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La Virginie Occidentale, un Etat ravagé par la drogue

 

Une longue enquête du New Yorker nous emmène cette semaine dans l’Etat américain le plus touché par l’épidémie d’opiacés de synthèse et d’héroïne qui ravage le pays depuis des années: La Virginie Occidentale.
Illustration du désespoir des classes moyennes blanches et rurales d’Amérique, et « comment est-ce que les habitants tentent de sauver leurs voisins et leur communauté de la destruction. »

 

« The Addicts Next Doors »

  • La journaliste Margaret Talbot a passé plusieurs mois en Virginie Occidentale qui possède le taux d’overdoses le plus élevé du pays (41,5 pour 1000 habitants) et « où l’héroïne a dévasté la région du Eastern Panhandle » à la frontière de la Virginie et du Maryland: Ici « la plupart des toxicomanes sont blancs, nés dans la région et ont de faibles revenus.« 
  • L’Etat a subi de plein fouet les conséquences de la mise sur le marché au milieu des années 90 d’un anti-douleur miracle, OxyContin, dont les effets de dépendance très puissants ont longtemps été cachés: Entre 2007 et 2012, les distributeurs de médicaments y ont livré 780 millions de pilules génériques d’OxyContin (oxycodone) et Vicodin (hydrocodone) pour 1,8 millions d’habitants.
  • Les raisons:
    • L’industrie du charbon responsable de la détérioration physique des mineurs ajoutés à des niveaux de pauvreté et de chômage importants à l’origine d’une détérioration psychologique
    • Manque de structures médicales capables de prévenir et de guérir ces risques
  • La distribution plus limitée et contrôle d’OxyContin à partir de 2010 a poussé les toxicomanes à utiliser des substances moins chères, arrivées du Mexique, l’héroïne. 
  • Résultat, entre 2000 et 2014, le nombre d’overdoses aux Etats-Unis a augmenté de 137% et selon le Centers for Disease Control, les trois-quart des héroïnomanes ont commencé avec des opiacés de synthèse.

 

Entre désespoir et vide social

  • L’un des facteurs importants de cette épidémie de drogue serait « le désespoir des populations blanches dans les petites villes pauvres » d’Amérique qui trouvent dans les opiacés de synthèse et l’héroïne « l’échappatoire ultime ».

    L’ennui et le sentiment d’être inutile et impuissant sont des faiblesses humaines qui vous poussent à vous retirer du monde (…) [l’héroïne] est une drogue extrêmement tentante pour des villes mortes, parce que ça efface les problèmes. Bien plus que la coke ou la métha-amphétamine, qui vous excite ou vous pousse à être actif.

    Dans les villes des Appalaches, l’héroïne est devenu une contagion sociale.

  • Martinsburg, ville de 17 000 habitants fondée en 1778, qui possédait la plus importante usine de chaussettes au monde en 1950 a vu son industrie mourir au début des années 2000, et avec elle un « certain but » qui a rendu une partie de la population vulnérable à l’épidémie d’héroïne: « Les gens n’ont plus vraiment d’objectifs » dans une « ville qui ne leur offre plus rien » explique un résident, né là-bas:

    C’est difficile de vivre quand vous regardez autour de vous et la plupart de vos amis de lycée sont toujours là, ne gagnent pas d’argent, ne peuvent pas payer leurs factures, regardent la télé toute la journée et ne font rien de leur vie.

  • Quand l’épidémie ne tue pas directement, elle traumatise les vies des proches, de la famille, des amis.
    La journaliste explique n’avoir rencontré personne qui n’ait pas été touché de près ou de loin par un drame lié à la drogue. 

 

Comment la communauté s’organise

  • L’épidémie de drogues est telle que beaucoup toxicomanes se shootent dans des lieux publics pour être pris en charge rapidement en cas d’overdose: stations essence, toilettes de restaurant, ailes de supermarché.
  • Si « une majorité de la population reconnaît que la toxicomanie est une maladie, certains sont fatigués, voire dépités par le phénomène et refusent de leur venir en aide.
  • Narcan, un puissant médicament, qui, pris à temps, renverse les effets de l’overdose, permet de sauver des vies mais n’a aucune incidence sur la dépendance elle-même.
  • Les traitements efficaces comme les cures de désintoxication sont très chères et les places disponibles dans le cadre du programme d’assistance fédérale Medicaid sont limitées.
  • Ce sont des initiatives privées qui prennent le relais:
    • Des associations locales comme Hope Dealer Project, dirigées par trois femmes, touchées personnellement par l’épidémie d’héroïne, s’occupent de trouver des centres de désintoxication pour des toxicomanes qui le demandent, et se chargent de les y accompagner.
    • Ce docteur qui enseigne à ceux qui le souhaitent comment utiliser Narcan sur les malades, et conseille à chacun de garder un kit dans leur voiture par précaution

 

En l’absence de prise en charge sérieuse de l’Etat et du gouvernement fédéral, c’est la communauté qui doit prendre soin autant qu’elle le peut de ses malades.
En Virginie Occidentale, presque 70% de la population a voté pour Trump qui leur avait promis de prendre en main cette épidémie. Pourtant la proposition de budget 2018 prévoit une réduction de 95% des subventions allouées au Bureau National de contrôle des Drogues

Published in Drogues Red States santé