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Le Washington Post et le New York Times: les meilleurs ennemis

 

Jamais depuis le scandale du Watergate, les médias américains n’avaient autant influencé la vie politique du pays explique Joe Pompeo dans Politico: Au centre de cette effervescence éditoriale, une rivalité entre deux mastodontes de la presse, le New York Times et le Washington Post dirigés par deux rédacteurs-en-chef au sommet, Dean Baquet et Marty Baron, dont les carrières ont influencé le journalisme aux Etats-Unis.

 

Les Leaders de l’ère Trump

L’ensemble des médias américains profitent depuis des mois de l’effet Trump, le « Trump Bump », que ce soient les journaux, magazines, chaînes télé, à travers l’enchaînement « breaking news », analyses et reportages autour et à l’intérieur de la Maison Blanche et Washington.

Mais pour ce qui est des informations relatives aux agences de renseignement et de la sécurité intérieure, Le Times et le Post, avec leurs équipes de correspondants expérimentés, ont l’avantage des grandes institutions.

Ce sont les journalistes de ces deux grands quotidiens qui, grâce des relations de confiance tissées avec le monde du renseignement, notamment le FBI et la CIA, depuis des années, qui ont réussi à obtenir la plupart des fuites sur les soupçons de collusions entre les Russes et les aides de campagne de Trump – Michael Flynn, le conseiller à la sécurité nationale forcé de démissionner, Jeff Sessions, Jared Kushner, …

S’ils ont souffert ces dernières années d’une baisse des ventes et des revenus publicitaires face à la multiplication et à la spécialisation de nouveaux médias en ligne, ils réaffirment aujourd’hui leur leadership sur l’information, grâce notamment à la compétition féroce qu’ils entretiennent l’un envers l’autre.

Le scandale de la messagerie privée de Hillary Clinton? C’est le New York Times qui l’a sorti en mars 2015. La vidéo d’Access Hollywood? C’est David Fahrenthold du Post qui l’a révélé un mois avant les élections (il vient de remporter le Pulitzer pour son enquête sur les oeuvres de charité de Donald Trump). La cadence des scoops s’est accélérée depuis l’investiture du président jusqu’à cette semaine du mois de mai où chaque jour a eu son lot de révélations soit de la part du Post (Trump révèle des informations confidentielles aux Russes dans le bureau ovale), soit de la part du Times (Trump a demandé à Comey de laisser tranquille Michael Flynn). 

 

Des carrières croisées qui ont marqué le journalisme américain

Les deux rédacteurs-en-chef sont des amis de longue date qui se sont rencontrés au New York Times à la fin des années 90 et ont appliqué trois fois pour le même poste – Rédacteur en chef au Miami Herald et à deux reprises pour le New York Times).

Après avoir débuté comme stagiaire dans le Times Pycayyne, le journal de sa ville natale, la Nouvelle Orléans, Dean Baquet est parti pour le Chicago Tribune (1984-1990) où son équipe a remporté le Pulitzer du reportage d’investigation (sur la corruption au conseil municipal de Chicago) en 1988; il a rejoint le New York Times pendant dix ans (1990-2000) puis a traversé le pays pour devenir directeur de la rédaction du Los Angeles Times (2000-2007); période au cours de au cours de laquelle le quotidien californien a remporté 13 Pulitzers.
Il est revenu au Times en 2007, a monté patiemment les échelons, a réussi à se débarrasser de Jill Abramson, et est devenu le premier rédacteur en chef afro-américain.

 

 

Marty Baron, moins convivial et plus circonspect, a commencé au Miami Herald (1976-79) puis est parti au Los Angeles Times pendant 17 ans (1979-1996) avant de rejoindre le New York Times (1996-2000) et de retourner au Miami Herald comme rédacteur en chef (2000-2001). Il y remporte son premier Pulitzer pour la couverture de la bataille juridique autour du petit Elian Gonzalez, déchiré entre un père resté à Cuba et sa famille exilée en Floride.

Il part occuper les mêmes fonctions au Boston Globe (2001-12), considéré comme l’un des tournants majeurs du quotidien de New England, « Baron était un juif originaire de Floride dans une rédaction dominée par des Catholiques irlandais ». C’est pourtant lui qui va apporter au journal son « couronnement journalistique », repris brillamment dans l’excellent long métrage, lui-même oscarisé, « Spotlight »: La croisade d’une équipe de journalistes décidée à révéler les décennies d’abus sexuels au sein de l’Eglise catholique, grâce le silence complice de la hiérarchie, qui lui vaudra le Pulitzer en 2003.

 

Première couverture de l’enquête du Boston Globe sur les abus sexuels au sein de l’Eglise en 2003

A deux reprises Marty Baron et Dean Baquet ont été pressentis pour le poste le plus prestigieux, celui de rédacteur en chef du New York Times, attribué à Bill Keller en 2003 puis à Jill Abramson en 2011 mais finalement offert à Dean Baquet en 2014.
Entre temps, Marty Baron s’est déjà distingué comme rédacteur en chef du Washington Post, en remportant le plus prestigieux des Pulitzers, en collaboration avec le Guardian, pour ses articles sur les activités de surveillance de la NSA basés sur les fuites de Edward Snowden, au nez et à la barbe du New York Times, snobé par le lanceur d’alerte. 

 

Comme Joe Pompeo le note:

Au moment où Trump est devenu un candidat sérieux à la présidence, le Post était prêt à se battre. C’est pendant les derniers mois mouvementés de la campagne de 2016 que le Post et le Times ont émergé comme les acteurs dominants d’un moment ou les journaux, malgré leurs problèmes financiers, sont les garants d’une certaine responsabilité.

Désormais, leur compétition définit non seulement leur carrière mais à un certain degré, le sort de l’administration Trump. Chaque matin, tous les deux partent travailler en sachant qu’ils doivent travailler mieux et plus vite pour battre l’autre, sachant l’inévitable retour en flammes des supporters de Trump.

 

Published in Analyse