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Mort du site de « gossip » new yorkais Gawker

Capture d'écran du dernier post de Gawker.com avec une illustration du Jim Cooke, intitulé "How Things Work" de Nick Denton le 22 Août 2016
Capture d’écran du dernier post de Gawker.com avec une illustration du Jim Cooke, intitulé « How Things Work » de Nick Denton le 22 Août 2016

Gawker.com, le site « de rumeurs qui feront les nouvelles de demain » a cessé de paraitre en ligne hier, lundi 22 Août avec un communiqué de son fondateur Nick Denton qui commence en ces termes:

Gawker ferme ses portes aujourd’hui, lundi 22 Août 2016, treize ans après son lancement et deux jours avant mes cinquante ans.
C’est la fin d’une époque.

L’équipe sera redéployée sur d’autres antennes de Gawker Media Group qui sont bien vivantes et intactes [Gizmodo, Jezebel, Deadspin, Lifehacker, Kotadu, Jalopnick] et la compagnie continuera avec un nouveau propriétaire, Univision, qui l’a acquis pour 135 millions de dollars.
En ce qui me concerne je ne suivrai pas mes collègues. 
Le domaine Gawker sera abandonné pour cause de banqueroute.
Ceci est le dernier post.


Bollea vs Gawker

Le site a été condamné en Juin dernier par un tribunal de Floride a versé 140 millions de dollars de dommages et intérêts à Hulk Hogan, l’ancienne star du catch américain, pour avoir diffusé une sex tape filmée à son insu par un ami.

L’affaire remonte à 2006 quand l’ancienne star de la WWA a couché avec la femme d’un présentateur d’une radio locale, le tout enregistré par une caméra cachée. La vidéo a été ensuite vendue à Gawker qui l’a diffusée dans un article publié en Octobre 2012 et vu par presque 4 millions d’internautes.

Si Hulk Hogan a décidé de régler le litige avec son ex-acolyte pour seulement 5 000 dollars, il a porté plainte contre Gawker en 2015 pour violation de la vie privée et réclamé 100 millions de dollars
Pourquoi une telle somme?

Gawker vs Peter Thiel
Le New York Times a révélé en mai dernier que le co-fondateur de Paypal, Peter Thiel, était à l’origine de ce chiffre, et avait financé tous les frais légaux de Mr Hogan pour tenter de ruiner financièrement le site de « gossip » détenu principalement par la famille du propriétaire, Nick Denton.

Le milliardaire a récemment expliqué « vouloir défendre la vie privée à l’ère numérique »: « Une histoire qui viole l’intimité sans servir l’intérêt public ne devrait pas être publié » a-t-il déclaré au mois d’Août à propos de la diffusion de la sex tape de Hulk Hogan.

Ce milliardaire proche des républicains sait de quoi il parle puisqu’il a lui-même été la cible de Gawker quelques années auparavant. En 2007, le site l’a explicitement « outé », lui (« Peter Thiel is totally gay, people ») et quelques uns de ses amis de la Silicon Valley.

L'article de Gawker publié le 19 Décembre 2007 intitulé: "Peter Thiel is Totally Gay, Poeple".
L’article de Gawker publié le 19 Décembre 2007 intitulé: « Peter Thiel is Totally Gay, Poeple ».

Une blessure qui a depuis poussé l’entrepreneur à financer tous les procès en diffamation intentés à Gawker grâce à une fortune estimée à 2,7 milliards de dollars.


Remise en cause de la liberte de la presse?

Peter Thiel, un proche de Trump, a donc réussit grâce à sa fortune à faire plier l’un des sites d’infos en ligne les plus populaires s’indignaient de nombreux médias américains cette semaine.
Une jurisprudence qui pourrait remettre en cause la liberté de la presse contre le respect de la vie privée, avec en toile de fond, l’intervention de milliardaires qui décident de la mise à mort de médias pour des motifs personnels.

Pour preuve, Melania Trump vient de porter plainte en diffamation contre le Daily Mail et d’autres médias (dont Politico, the Week, Inquisitr,…) qui l’auraient accusée d’avoir été une escort girl avant sa rencontre avec le milliardaire newyorkais au début des années 90 à travers le cabinet d’avocats Harder Mirell & Abrams LLP qui a récemment défendu … Hulk Hogan.

Mais la controverse n’est pas si simple.


Gawker, responsable de sa disparition?

Le site « d’infos et de rumeurs » s’est rendu célèbre grâce à la « rage d’un prolétariat créatif » éloigné des standards d’un journalisme soigné et respectueux des puissants qui traitait « les ragots comme un quête intellectuelle »; un lieu, selon Max Read, l’un des anciens rédacteurs en chef, « où le protocole et la politesse [n’étaient] pas seulement inutile mais répréhensibles ».

En 14 ans, Gawker est passé de 2 à près de 300 employés, de quelques milliers de fans à des millions de lecteurs, et « d’une curiosité, à une menace et enfin une puissance » de la presse en ligne – avec le lot de responsabilités que cela implique.

Beaucoup des commentateurs admettent aujourd’hui que Gawker est mort « à cause de la manière même dont le site opérait » c’est-à-dire capable du « meilleur comme du pire et parfois du douteux »: « Un organe de presse fondé sur une hostilité envers les puissants et géré sans hiérarchie internet foncera naturellement dans le mur » écrivait le New Yorker cette semaine.
Pointé du doigt, la gestion de son propriétaire Nick Denton, qui aurait pu rester irrévérencieux sans devenir un « bully » et dont un nombre de ses collaborateurs l’accusent aujourd’hui de cette triste fin.

Si Gawker.com ne publiera plus, ses autres sites d’infos continueront en revanche leur travail: Gizmodo, Jezebel, Deadspin, Lifehacker, Kotadu, Jalopnick

Ce qu’il faut retenir de ce site, c’est ce qu’il a fait de plus incisif et « infamous » et que Rolling Stone a résume dans ses 10 meilleures révélations.

A lire ICI, cet excellent article de l’ancien rédacteur en chef Max Read paru cette semaine dans le New York magazine: « Est-ce que j’ai tué Gawker, ou est-ce Nick Denton? Hulk Hogan? Peter Thiel? ou l’internet? »

 

 

Published in Culture Médias New York City