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Globe Magazine: « Quand vous trouverez mon corps … « 

Dernière photo vivante de Gerry Largay prise avant sa disparition le 22 Juillet 2013
Dernière photo vivante de Gerry Largay prise avant sa disparition le 22 Juillet 2013

Globe Magazine, le supplément weekend du Boston Globe, revient cette semaine sur la disparition tragique de la randonneuse Gerry Largay dans les Appalaches en Juillet 2013.
Son corps a été retrouvé deux ans et demi plus tard à moins d’un kilomètre du chemin d’ou elle s’était égarée.

Cette infirmière à la retraite, âgée de 66 ans, grande adepte de randonnée s’était donnée comme projet cet été là de parcourir une partie du Sentier des Appalaches, long de 3 510 kilomètres qui relie le Mont Springer dans l’état du Maine au Mont Katahdin en Géorgie sur la côte est du pays.
Ce parcours, l’un des plus connus et fréquentés au monde, est généralement traversé lors d’une seule saison par les randonneurs les plus expérimentés.

Gerry Largay avait organisé son parcours en deux étapes: Partir de Virginie Occidentale pour remonter jusqu’à au Mont Springer puis redescendre en voiture au point de départ et descendre jusqu’au Mont Kahtadin.
Malgré des mois d’entrainement, elle était incapable de porter de sac-à-dos trop lourd et avait donc décidé avec son mari qu’il l’attendrait à des points de rendez vous endroits au long du parcours pour renouveler équipements et vivres.
Elle serait accompagnée dans cette expédition par une proche, Jane, qui quittera précipitamment la randonnée à cause d’une urgence familiale.

L’aventure a commencé le 23 Avril 2013.
Deux mois plus tard elle avait parcouru 1 500 km (dont la moitié seule) et il ne lui en manquait plus que 300 autres pour finir la première étape

Lundi 22 Juillet 2013, Gerry est partie d’un refuge, le Poplar Ridge Lean-to dans le Maine, après avoir été photographiée par une amie randonneuse, Dottie Rust, qui y avait également passé la nuit.
Ce sera sa dernière photo vivante

 

Il existe des règles dans la randonnée, « Ne pas laisser de trace » en est l’une des plus élémentaires. Tu gardes tes déchets sur toi. Les puristes évitent de planter des tentes. Ne pas faire de feu parce que ça abime trop la forêt.
Mais « Ne pas laisser de trace » peut s’avérer compliqué quand il s’agit de ses besoins naturels. Le conservatoire du Sentier des Appalaches, qui contrôle le parcours, suggère deux possibilités: Creuser un trou à moins 60 mètres du chemin et y enterrer papier toilette et excréments ou les entourer de papier toilette et les garder sur soi dans un sac plastique étanche.
La des randonneurs choisissent plutôt la première solution.
(…)
Le matin du 22 Juillet, Largay a suivi les règles: elle s’est éloignée d’environ 40 mètres.
C’est la première d’un nombre de décisions simples, qui prises indépendamment l’une de l’autre, sont tout à fait censées.
Mais leur succession, ce jour là, va les rendre catastrophiques.

L’endroit choisit par Gerry était particulièrement dense en branchages et arbres morts et c’est ce qui a du la désorienter quand elle a voulu rejoindre le chemin.
Consciente de s’être perdue, elle essaye de joindre son mari pas SMS mais décide de continuer de se déplacer pour pouvoir trouver du réseau, en vain.
Première nuit dehors, sous la tente.

Le lendemain, elle réessaye plusieurs fois de le contacter qu’ils devaient se rejoindre dans l’après midi, en vain.
Seconde nuit seule dans les bois.

Mercredi, le mari de Gerry prévient les autorités de la disparition de sa femme qu’il n’a pas vu depuis le samedi précédent.
Très rapidement des opérations de secours sont mises en place pour la retrouver, pour identifier et interroger des randonneurs qui auraient pu la croiser.
A ce moment personne ne sait ce qui a pu arriver à cette mère et grand-mère de famille.

Globe Magazine
Globe Magazine – Carte des dernières localisations de Gerry Largay avant sa mort

Les recherches s’intensifient le samedi suivant quand Dottie Rust prévient les gardes forestiers de sa rencontre cinq jours plus tôt avec la disparue.
Une centaine de volontaires, amis et famille quadrillent et parcourent les alentours sans trouver aucune trace.

Gerry équipée d’une tente, d’un sac de couchage et d’un peu nourriture va organiser sa survie, seule, dans les Appalaches, comme en témoigne son carnet de bord retrouvée sur son cadavre à l’automne 2015.
Elle a essayé de prévenir les avions et hélicoptères qui survolaient la région à sa recherche mais aucun n’a réussi à percevoir la veste rouge qu’elle agitait pendant des heures ou des feux qu’elle a initié.

Deux semaine après sa disparition, elle a tenté une nouvelle fois de joindre son mari par SMS, toujours pas de réseau.
Elle serait morte entre le 10 et le 16 Août 2013 après avoir survécue pendant au moins 19 jours seule dans les montagnes du Maine.

Son corps a été découvert par hasard le 14 Octobre 2015 avec une note accrochée à son sac de couchage:  » Si vous trouvez mon corps, s’il vous plait, prévenez mon mari et ma fille Kerry. Pourriez vous leur annoncer que je suis morte et leur indiquer où vous avez trouvé mon corps – peu importe depuis combien de temps. » 

Globe Magazine / Benjamin Keller - Le campement ou Gerry Largay est morte
Globe Magazine / Benjamin Keller – Le campement ou Gerry Largay est morte

Gerry Largay est morte à 700 mètres du Railroad Road qui croise Sentier des Appalaches avant de devenir une route, et à moins de trois kilomètres du refuge qu’elle avait quitté le matin du 22 Juillet.

Dans les derniers jours, Gerry Largay s’inquiétait des soucis et des problèmes qu’elle devait causer à sa famille. Sur son campement, elle a coupé en petits morceaux et enterré sa carte de crédit pour que personne ne l’utilise. Elle a gardé son permis de conduire pour pouvoir être identifiée. Elle a rangé avec soins les pots et poêles et soigneusement rangé son carnet dans un sac hermétique, avec les instructions, George, s’il te plait, lis XOXO.
Elle a plié ses lunettes et rangé dans son étui sous sa tente. Puis elle s’est glissée dans son sac de couchage pour la dernière fois.

Dans son journal, Gerry s’excuse auprès de sa famille, plus importante à ses yeux que n’importe quelle randonnée. Elle a écrit une lettre à chacun d’eux dans laquelle elle évoque la joie d’avoir vivre eux et comment passer à autre chose.

Ce sont plus que des lettres d’amour explique son mari ce sont des lettres de vie

Published in A lire dans la Presse La Une du Jour Société