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Vanity Fair: « The Golden Suicides »

Voici une nouvelle rubrique « collector » du Kiosque qui présente des histoires, des articles et reportages parus il y a plusieurs mois, des années, voire des décennies qui ont marqué à l’époque la culture, la société, la politique ou les médias du pays.

 

New York City, juillet 2007.
L’un des couples les plus en vue de la scène artistique et culturelle new yorkaise, Theresa Duncan et Jeremy Blake se suicident à une semaines d’intervalle, sans donner d’explication, elle d’une overdose de médicaments et d’alcool et lui qui disparait près de l’océan.
Deux morts inattendues qui choquent familles et amis et qui fascinent la presse et internet.

Sur les dizaines d’articles écrits sur la vie de ce couple, on retiendra Golden Suicides de Nancy Jo Sales dans Vanity Fair, décrit le parcours intrinsèquement lié des deux artistes qui se sont marginalisés du milieu artistique, professionnel et amical dans lequel ils évoluaient, et la progressive paranoïa décrites par leurs proches, et la fidélité aveugle que vouait Blake à Duncan jusque dans la mort. The Theresa Duncan Tragedy racontée par l’une de ses proches, Kate Coe, et publié en août 2007 dans L.A. Weekly

Theresa Duncan a grandi dans une petite ville au nord de Détroit, dans le Michigan, et déménagé dans la capitale américaine après sa graduation, où elle obtient un poste d’hôtesse pour une entreprise de CD-Roms informatiques.

Chop Suey - Magnet Interactive. Theresa Duncan and Monica Gesue
Chop Suey – Magnet Interactive. Theresa Duncan and Monica Gesue

Un jour, elle propose à son patron de créer jeu vidéo exclusivement pour filles qu’elle a développé avec une amie, Monica Gesue, qui raconte: « Elle n’avait peur de rien, et elle avait le cerveau et le charisme pour le faire » ce qui lui offre un premier pas vers le succès et la notoriété: Chop Suey est élu CD-Rom de l’année en 1997 par Entertainment Weekly et acclamé dans le Los Angeles Times et le Washington Post. 
S’en suivent deux autres jeux vidéos à succès puis la production et l’animation d’un moyen métrage, sélectionné à la biennale du Whitney en 2000, The History of Glamour, des articles pour Artforum, Slate, et un blog à succès pour lequel elle écrira plus 1,700 posts, The Wit of the Staircase.

Duncan rencontre Jeremy Blake l’année de la sortie de Chop Suey, en 1995 lorsqu’ils débarquent séparément à New York. Il a 23 ans et a toujours voulu être un artiste, elle en a 28 ans et est déjà reconnue dans son milieu.
Ils se rencontrent dans un bar de Brooklyn, tombent amoureux et s’installent sur Broome Street, dans le sud de Manhattan, où ils s’entourent d’artistes, de galeristes et personnes influentes du monde de l’art et des multimédias.
Blake, soutenue par Duncan, développe ce qu’il appelle les time based paintings qui consiste à mélanger photographies et projections numériques dans des séquences d’images.
Un travail qualifié par le New York Times de « pont entre les mondes de la peinture, du cinéma, des vidéos numériques aux couleurs saturées quasi-hallucinatoires » qui remporte un vif succès dans les galeries new yorkaises.

Il s’impose alors avec sa compagne comme l’un des couples arty les plus glamours de New York.

Blake - Phantachrome, 2004
Blake – Phantachrome, 2004

Duncan vient de signer un contrat de deux films avec Fox Searchlight lorsque le couple décide de s’installer de l’autre côté du pays, dans un bungalow de Venice Beach, une banlieue de Los Angeles en 2002. Là-bas, les ambitions de Duncan n’aboutiront jamais, laissant place au doute et un retour à l’anonymat qu’elle supporte mal. Blake continue lui de créer et travaille avec des artistes reconnus tels que Paul Thomas Anderson pour son Punch Drink Love ou la couverture de l’album de Beck, Sea Change. Ses oeuvres seront exposées à trois Whitney Biennalesau San Francisco Museum of Art en 2005 et une exposition est prévue au Corcoran Gallery of Art de Washington à l’automne 2007.

Selon la journaliste de Vanity Fair, Blake et Duncan seraient revenus à New York City fin 2006 après avoir été expulsés de leur appartement de Venice Beach à la suite de plusieurs plaintes de voisins contre leur comportements paranoïaques et parfois menaçants. Ils affirment que Theresa se sentait menacée par l’Eglise de la Scientologie qui envoyait des agents la harceler et l’intimider, par téléphone, dans leur résidence. Ce serait d’ailleurs la secte qui aurait obligé le chanteur Beck, un scientologue, à refuser de jouer dans son projet film, Alice Underground.
Blake a confirmé à ses proches les accusations formulées par sa compagne qu’il a réunit dans un rapport de 27 pages qu’il comptait utiliser pour intenter un procès à la Scientologie.

Ils sont rentrés à New York en janvier 2007 où ils sont installés dans le presbytère, réaménagé en appartement de l’église St Mark dans le East Village que Blake a pu payer en reprenant emploi de graphic designer. Aucun signe de dépression visible chez Duncan aurait pu présager de son suicide, l’après midi du 10 juillet 2007, quelques heures après quitté son compagnon avec qui elle avait déjeuné. Elle a laissé une lettre qui a convaincu Blake qu’elle avait agi en son âme et conscience.

Couverture de l'album de Beck "Sea Change" réalisé en 2002 - Par Jeremy Blak
Couverture de l’album de Beck « Sea Change » réalisé en 2002 – Par Jeremy Blak

Blake, pourtant très entouré par ses amis les jours qui ont suivi le drame, inquiets qu’il puisse lui aussi attenter à sa vie, est retourné travailler le 17 juillet. Plutôt que de rentrer chez lui ce soir là, il a pris le métro jusqu’aux Rockaways, l’une des plages de New York où il a disparu. Un témoin a appelé la police pour signaler un homme nu se diriger vers la mer en début de soirée. On a trouvé ses affaires sur le sable accompagné d’un un mot écrit de sa main, I am going to join the lovely Theresa.
Son corps sera signalé par un pêcheur au large du New Jersey cinq jours plus tard.

Aucune mention de Theresa Duncan n’a été faite lors de la veillée funèbre organisée en hommage à Jeremy Blake, ni le prénom de Blake n’a été prononcé lors de celle de Theresa. La mort violente des deux amants a horrifié et fasciné à la fois les médias du pays, incapable de comprendre pourquoi la rencontre du succès, la beauté et l’amour puisse se terminer de manière si tragique.

Duncan et Blake sont restés douze ans ensemble et personne ne les a jamais vu se disputer. Ils étaient toujours aussi amoureux l’un de l’autre avec nombreux projets en commun quand Duncan a décidé de partir.

Published in Collector