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L’abrogation Obamacare, ce que les Américains vont perdre … et gagner

L’abrogation d’Obamacare entamée la semaine dernière par les Républicains pourrait priver d’assurance maladie vingt-cinq millions d’Américains en attendant le vote et la mise en place d’un nouveau programme encore inconnu.
Retour sur les grands points du projet historique d’Obama, les oppositions idéologiques et économiques, les difficultés de sa mise en place, et les conséquences de son démantèlement par les Républicains.

 

Comment Obamacare a révolutionné la santé aux Etats-Unis

  • Signée en 2010, Le Patient Protection And Affordable Care Act oblige depuis le 1er janvier 2014 tous les citoyens américains qui ne sont ni assurés par leur employeur, ni par le gouvernement fédéral (Medicare pour les plus de 65 ans et Medicaid pour les plus défavorisés) à souscrire une assurance maladie sous peine d’une amende de 695 dollars  (2,5%  des revenus d’un individu ou d’un ménage en 2016).
  • Le but est de permettre a 15% de la population de pouvoir souscrire une assurance grâce aux subventions de l’état et financer une partie du programme avec les contributions des jeunes en bonne santé.
    Les entreprises de plus de 50 employés seront désormais obligées de leur offrir une assurance santé
  • Quelle que soit l’assurance souscrite, Obamacare garantit aux patients, sans plafond de remboursement, les services ambulatoires, d’urgence, d’hospitalisation et de rééducation, l’accouchement, santé mentale, les prescriptions médicales, analyses en laboratoire, et enfin la prise en charge des maladies chroniques, et services pédiatriques.
  • Obamacare oblige les assurances à couvrir les enfants à la charge de leur parents jusqu’à 26 ans, garantit à tous le droit de s’assurer quels que soient ses antécédents médicaux, prend en charge les soins de prévention, leur interdit de faire payer plus cher les femmes que les hommes et sont forcées de dépenser 85% de leurs revenus dans les soins médicaux aux dépens des frais administratifs, bonus ou profits reversés aux actionnaires.
  • Selon le site Obamafacts.com, 20 millions d’Américains sont assurés par l’Affordable Care: 12,7 millions à travers une assurance contractée via les agences gouvernementales (healthcare.gov) et le reste qui inclut les extensions de Medicaid, Medicare et les enfants assurés par leurs parents.
  • Selon le Bureau du recensement des Etats-Unis, 15,7% de la population soit 48,7 millions d’Américains n’étaient pas assurés en 2009, avant la mise en place de l’ACA contre 9,2% en 2015, le taux le plus bas enregistré en cinquante ans.
  • Ce programme coûte cher au gouvernement: 3 500 dollars par an en moyenne pour un assuré qui bénéficie des subventions du gouvernement (à travers des réductions d’impôts) et 4 700 dollars par personne pour Medicaid, soit un budget de près 80 milliards de dollars par an. Il a dépassé les 110 milliards de dollars en 2016.

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Malgré les attaques répétées des Républicains

  • Comme l’a résumé Reihan Salam dans Slate

    Alors que les libéraux pensent que les soins de santé sont trop importants pour être laissés aux mains des lois du marché, les conservateurs pensent qu’un processus par tatonnements est le moyen le plus efficace d’obtenir un meilleur système de santé, moins cher et plus efficace.

  • Aucun républicain de la Chambre des Représentants, ni du Sénat n’a voté pour Obamacare en 2009 même si la réforme comporte des similarités avec le programme mis en place par Mitt Romney dans le Massachusetts en 2006.
  • Il existe un consensus entre Républicains et Democrates sur la nécessité du gouvernement fédéral d’aider les plus âgés via Medicare, mais pas sur celle d’aider les jeunes et les plus défavorisés, ce que prévoit Obamacare.
  • Selon l’opposition, Obama n’aurait pas tenu la promesse faite aux citoyens américains qu’ils pourraient garder leur ancienne assurance maladie, ce que les compagnies ont été incapables de tenir, obligées d’adapter leurs offres aux nouvelles réglementations: Dix millions d’assurés ont donc dû souscrire une nouvelle assurance, parfois plus chère que l’ancienne.
  • En juin 2012, la cour Suprême des Etats-Unis a validé Obamacare mais laissé aux Etats le choix d’étendre ou non les services de Medicaid aux plus défavorisés en échange des subventions du gouvernement fédéral.
    Dix-neuf Etats ont refusé l’offre.
  • Obamacare serait « la plus grande expansion de l’avortement depuis Roe vs Wade » car remboursées par certaines assurances, tout comme les moyens de contraception. Les Démocrates ont refusé de donner le choix aux entreprises et organisations d’exclure ces services « pour des raisons morales ».

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Et les difficultés rencontrées par le programme 

  • Dix-neuf Etats ont refusé d’étendre les services de Medicaid aux plus défavorisés, les obligeant à se rabattre sur le marché des assurances offert par Obamacare, dans lequel ils ont représenté jusqu’à 40% des assurés.
  • Les soins pour les plus défavorisés a un coût financier inattendu pour les compagnies d’assurance qui ont dû augmenter leur prix, entraînant une baisse du nombre d’inscription chez les jeunes et dans les classes moyennes, « qui ne veulent pas payer pour une couverture dont ils n’ont pas besoin ».
    Douze millions d’entre eux ont réussi à éviter de payer une amende en 2014 selon le Wall Street Journal.
  • La mutualisation des risques est le point faible de l’Affordable Care Act puisqu’il oblige les assurances à assurer les patients quel que soit leur état de santé et antécédents médicaux, et leur interdit de faire payer trop cher les personnes âgées.
    Un système impossible à tenir lorsqu’il existe « trop de gens malades » contre « trop peu de gens en bonne santé » qui refusent de payer.
  • En 2016, l’administration Obama a dû revoir à la baisse les prévisions du nombre d’inscriptions à l’Affordable Care Act qui a limité les revenus des compagnies d’assurance, qui se sont progressivement retirées du jeu.
  • En octobre dernier, les compagnies d’assurance ont annoncé une hausse de 22% des « premiums » offerts dans le cadre de l’ACA, une augmentation prévue dès le début de la loi que le gouvernement prévoyait de compenser en augmentant le montant des aides.
  • Un cinquième des individus susceptibles d’adhérer à Obamacare se retrouve aujourd’hui avec un seul et unique choix d’assurance.
    L’Obamacare fonctionne dans certains Etats comme le Massachusetts ou l’Ohio qui ont un marché compétitif de compagnies d’assurance et offrent des premiums à des prix raisonnables, 230 dollars par mois pour un jeune par exemple.
    Le programme a sombré dans d’autres Etats, à l’instar de l’Alabama qui n’offre qu’une seule compagnie d’assurance dont le forfait coûte au minimum 384 dollars par mois.

 

Obamacare va être abrogé …

Les Républicains n’ont pas la majorité absolue au Sénat (60 votes) pour abroger l’Obamacare d’un coup donc ils procèdent en deux temps: En votant la semaine dernière, au Sénat (52/49) puis à la Chambre des Représentants (227 contre 198) la « résolution sur le budget » 
C’est la première partie du processus au cours de laquelle des comités désignés des deux chambres élaborent une loi sur « la réconciliation du budget »qui devrait couper les fonds nécessaires au fonctionnement de L’affordable Care Act et à l’expansion de Medicaid et Medicare.
Un processus qui devrait prendre plusieurs semaines.

Les prochaines mesures devraient être la suppression de l’obligation pour tous les non-assurés de souscrire une assurance (« individual mandate »), la mesure la moins populaire de l’Affordable Care Act, l’extension de Medicaid, et celle obligeant les entreprises de plus de cinquante salariés à assurer leurs employés.

Toutes les mesures de protection du patient comprises dans l’Obamacare – le remboursement des coûts de la contraception, la couverture des jeunes sur l’assurance de leurs parents, l’obligation d’assurer les patients quels que soient leurs antécédents médicaux et les services inclus obligatoirement dans les forfaits d’assurance sont très populaires chez les électeurs démocrates comme républicains et il sera difficile pour le Congrès de s’en débarrasser.
Pour le moment elles devraient
 rester en place pour ceux qui pourront continuer à payer pour une assurance maladie, en attendant que le Congrès décide ou non de s’en séparer.

Enfin, ils seront amenés à proposer des solutions de remplacement, qui devraient « être plus efficaces et moins chères » selon le président-élu. 

 

… Pour être remplacé par des offres moins chères et plus diversifiées.

Selon The Urban Institutele démantèlement de l’ACA impliquerait:

  • Une augmentation de 103% du nombre de non-assurés (30 millions de personnes en deux ans), passant 28,9millions aujourd’hui à 58,7millions en 2019, dont 22 millions à cause de la suppression des subventions alloués pour souscrire à une assurance.
  • 12,9 millions de personnes ne seraient plus éligibles pour Medicaid en 2019 
  • 82% des personnes susceptibles de perdre leur assurance appartiennent aux classes moyennes, 38% ont entre 18 et 34 ans, et 56% seraient non-hispaniques blancs. Enfin 80% des adultes qui perdraient leur assurance n’aurait pas de diplômes. 
  • 27% des Américains aujourd’hui assurés pourraient perdre leur assurance si les compagnies avaient le choix de ne pas prendre en charge les clients à cause de leur état de santé. 

Trump a promis qu’une alternative serait rapidement définie, débattue et votée, « presque en même temps que l’abrogation de l’Affordable Care Act » mais c’est un processus long – l’Obamacare a été débattue pendant quatorze mois!
La majorité républicaine au Congrès aimerait prendre le temps nécessaire pour repenser le système de sécurité sociale dans son entier qu’ils entendent fonder sur un « accès universel » plus qu’une « couverture universelle »: moins de contraintes pour les compagnies d’assurance qui offriront davantage de choix pour satisfaire les besoins et les finances des consommateurs.

Le contraire de ce qu’a affirmé Donald Trump au Washington Post ce weekend: le président-élu a affirmé avoir pratiquement terminé le projet de remplacement qui vise, sans davantage de détails, à assurer « tout le monde » avec des solutions plus économiques, en forçant notamment les compagnies pharmaceutiques à négocier leurs prix directement avec le gouvernement concernant Medicaid et Medicare.
Trump est confiant qu’une fois le nouveau plan dévoilé, il obtiendra le ralliement des Démocrates et des Républicains.

 

La seule compensation pour les Démocrates, c’est de savoir que leurs collègues devront répondre des conséquences de leurs actes lors des élections de mi-mandat en 2018. Trump sait combien d’Américains, et nombre de ses électeurs, tiennent à leur assurance santé, et qu’il sera attendu au tournant de l’une de ses promesses de campagne les plus importantes. 

Published in Analyse santé