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Des médias surexcités
Les médias, très excités hier par la démonstration de force de Trump en Syrie, étaient ce matin un peu plus critiques envers le président et le revirement politique qu’il a pris envers la crise syrienne.
Brian Williams, le journaliste sur NBC a parlé de la « beauté » des frappes militaires, le journaliste de CNN, Fareed Zakaria signale un « grand moment » et affirme que « Donald Trump était devenu président des Etats-Unis ».
David Ignatius du Washington Post pense lui que la réaction de Trump est « sincère » et qu’il a rétabli « la crédibilité du pouvoir américain ».
« Après les attaques, les encouragements ont coulé a flot, surtout sur les chaînes télés » remarque sa collègue Margaret Sullivan, « Pourquoi est-ce que les médias aiment tant les démonstrations de force? »
Ken Paulson, directeur du Newseum Institute:Il n’y a pas plus rapide façon pour gagner le soutien du public que de lancer une action militaire. C’est une récurrence pas seulement dans l’histoire du pays mais celui du monde. On se rassemble autour du Commandant en Chef – c’est compréhensible (…) D’autant que les médias d’information s’ennuyaient un peu du récit continuel sur les échecs de Trump.
Le plus fervent critique était Glenn Greewald hier dans The Intercept:
Dans n’importe quel type de gouvernement, rien n’unifie les gens plus rapidement, plus machinalement et plus sûrement que la guerre. Donald Trump vient de le prouver, alors que les leaders de la politique américaine et les médias ont passé des mois à le dénoncer comme mentalement instable, un despote inapte et une menace sans précédent envers la démocratie l’applaudissent en le voyant lancer des bombes sur le gouvernement syrien.
Une stratégie dont Trump était d’ailleurs courant:
L’éditorial du New York Times ce matin reconnaissait son forfaitC’était difficile de ne pas ressentir une sorte de satisfaction émotionnelle, et de justice rendue, quand les missiles américains ont frappé la Syrie jeudi. Le président du pays, Bachar Al-Assad, avait besoin de comprendre qu’il y avait finalement une réponse à sa brutalité, cette fois-ci l’utilisation d’armes chimiques qui a tué des dizaines de civils plutôt cette semaine dans l’une des pires atrocités de la guerre civile syrienne.
* « After the Airstrikes on Syria, What’s Next? » – New York Times
* « The Spoils of War » – The Intercept
* « The American loved Trump’s show of Military might. Are we doing this again? » Washington Post
* « Media fawns over president Trump’s strike on Syria » – ThinkProgress
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« Trump a pris toutes les bonnes décisions »
Pas de doutes, dans le Wall Street Journal ce matin:
1/ Le président a su interpréter correctement la situation (…) C’était un essai de Mr Assad pour tester le courage de la Nouvelle Maison Blanche. Le président a compris que ne pas répondre pousserait Assad à recommencer. Il a avancé rapidement et de manière décisive.
2/ Mr Trump a choisi la bonne réponse: Une frappe limitée de missiles contre une base aérienne syrienne, responsable selon les renseignements américains, de l’attaque chimique.
3/ Mr Trump a bien géré le processus. La Congrès a été avisé mais on ne lui a pas demandé son avis (…) Trump a prévenu la Russie avant les bombardements.
4/ Trump devrait récolter les bénéfices de cette frappe en Syrie. Ca devrait regrouper les Républicains derrière la Maison Blanche et également mettre à mal l’idée que de Trump est une marionnette de Poutine. (…) Quant aux proches d’Obama, ils passeront moins de temps à attaquer Trump et plus de temps à essayer de défendre leur héritage catastrophique de la Syrie.
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Breitbart n’est pas convaincu
Les supporters les plus fervents de Trump n’étaient pas très enthousiastes à l’annonce de l’intervention militaire en Syrie, et parmi eux le très influent Breitbart.
Alors que la plupart des médias ont, dans un premier temps, salué la décision de Trump, le site alt-right s’est contenté de rapporter les faits, sans les commenter – ce sont les lecteurs qui s’en sont chargés avec 47 359 commentaires qui reflètent les avis partagés et peu enthousiastes.
Certains ont dénoncé les revirements du président qui demandait en 2013 à Barack Obama de ne surtout pas intervenir en Syrie et de rester concentrer sur l’Amérique.
Pour d’autres, c’est une stratégie risquée pour remonter dans les sondages en faisant « quelque chose de présidentiel ».
Comment justifier une mobilisation militaire en dehors des Etats-Unis pour aider une population que le président refuse d’accepter sur son territoire et considère comme un vivier de terroriste: C’est en contradiction avec le discours qu’il a mené jusqu’a la semaine dernière lorsqu’il affirmait que le président Assad avait changé.
L’impression générale c’est rester en dehors des problèmes internationaux, surtout quand il s’agit des Musulmans, considérés par Breitbart et beaucoup de ses lecteurs comme une menace pour les Etats-Unis en général.
D’autres parts, obtenir le soutien des « faucons » du parti républicain n’est pas forcément de bonne augure, surtout lorsqu’ils sont généralement très critiques envers Trump: Marco Rubio, John McCain, Lyndsey Graham.
Quand à Nigel Farage, l’ancien président du parti indépendant anglais (UKIP) et père du Brexit, il s’est dit « très, très surpris » par la décision du président.
A la droite de l’alt-right, les conspirationnistes et autres « pizzagaters » (en référence aux pizzagate), à l’instar du dangereux Mike Cernovitch, ont lancé une campagne en ligne « pour arrêter la Troisième Guerre Mondiale ».
Selon eux, il n’y avait aucune raison pour que Assad s’en prenne à sa population puisqu’il a le soutien de la Russie et que les Etats-Unis avaient assoupli leur position à son égard la semaine dernière. Ce serait le « Deep State », les agences de renseignement américaines qui auraient organisé cette attaque, reprise par des « fakes news media » qui travaillent pour eux, et ignorent « la logique de base »
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Maintenant on fait quoi?
L’édito du New York Times a rapidement repris ses esprits
Mais il est aussi difficile de ne pas se poser les nombreuses questions soulevées par la décision du président Trump. Parmi elles: Est-ce que c’était légal? Est-ce que c’était une réponse isolée en dehors d’une stratégie globale visant à répondre au dilemme complexe de la Syrie, une nation pas seulement tourmentée par la guerre civile mais par son combat contre l’Etat Islamique? Rien n’indique jusqu’ici que Trump a pensé aux implications de l’usage de la force militaire ou quoi faire après?
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Pendant ce temps là en Syrie …
Sputnik, l’antenne du gouvernement russe aux Etats-Unis nous informe que les attaques militaires américaines ont fait peu de dégâts et que les avions de Assad sont prêts à repartir « combattre les terroristes »