L’annonce de la suspension de la ligne de métro L qui relie le quartier populaire et touristique de Williamsburg à Manhattan à partir de 2019 et pour 18 mois à fait l’effet d’une bombe auprès de ses habitants, commerçants, propriétaires, entrepreneurs, agents immobiliers, et sans doute Wholefood et Apple qui ont ouvert leur enseigne l’une en face de l’autre la semaine dernière.
Un projet annoncé depuis des mois
La Metropolitan Transportation Authority (MTA) qui gère l’ensemble du réseau new yorkais avait alerté depuis des mois ses usagers de l’urgence de réparer le tunnel de l’East River entre les stations de Bedford Avenue (Brooklyn) et First Avenue (Manhattan) sérieusement endommagé par les crues de l’ouragan Sandy en Octobre 2012 – le Sud de Manhattan était resté sans électricité et certaines stations de métro inondées une dizaine de jours.
Les « victimes » de Williamsburg pourront se rendre à Manhattan en empruntant la ligne G qui passe par Long Island City, dans le Queens au notd de Brooklyn pour rejoindre midtown « le JMZ » plus au sud qui dessert soit le Lower East Side, Chinatown jusqu’au Financial District (J Train) soit 34th et Times Square (M Train).
Pour réorienter les 400 000 voyageurs qui empruntent quotidennement le L Train, la MTA va passer les trois prochaines années à améliorer ses infrastructures pour la mise de wagons supplémentaires pour les lignes G, J et M.
Les plus téméraires empruntront le Williamsburg bridge à vélo, en bus ou partageront des Ubers.
Williamsburg, le nouveau Manhattan
Malgré ces aménagements pratiques, c’est un quartier entier en plein essor économique et immobilier qui va souffrir de cette coupure physique avec le coeur de New York.
Depuis trente ans, l’évolution de Williamsburg a été phénoménale: Le quartier essentiellement portoricain et dominicain (voir le documentaire Los Sures) dans les années 90 a vu l’arrivée d’artistes venus s’installer dans ses grands lofts désaffectés aux loyers modiques dans les années 2000 avant de devenir la capitale mondiale du hipsterisme avec ses barbiers, coffee shop et autres marchés bio.
Williamsburg est devenu le symbole de la gentrification par excellence, on parle même de Chain-ification du quartier à cause de l’implantation de chaînes de magasins comme Apple, Wholefood, JCrew, Sandro, Maje, Ralph Lauren, Dunkin’s Donuts, Starbucks, Juicepress,…
Les Champs Elysées de Williamsburg, une petite portion de Bedford Avenue qui relie Greenpoint au Sud du quartier attire touristes du monde et les loyers les plus chers de Brooklyn ($540.00/m2 en 2004 contre $3,470 aujourd’hui).
Ces dizaines de blocs sur Bedford Avenue sont aujourd’hui comparés à SOHO, la zone exclusivement commerciale de Manhattan entre Canal Street et Houston Street.
Un futur L-maggedon?
Les années Bloomberg (2002-2013) qui ont favorisé les développements immobiliers partout dans la ville, ont considérablement modifié le paysage du quartier avec des dizaines d’immeubles de haut standing pratiquant des loyers prohibitifs réservés à des jeunes cadres dynamiques venus de Manhattan.
Kent Avenue au bord de l’Est River affiche sans doute l’évolution la plus dramatique puisque tous ses anciens hangars ont été reconvertis en immeubles résidentiels de plusieurs dizaines d’étages – le projet en cours de la Domino’s factory, l’un des plus controversés est le plus important de tous avec des milliers d’appartement à vendre d’ici 2019 – un Traders Joe est même attendu pour 2017.
Les dizaines d’immeubles en construction et ceux ouverts à la vente ont déjà vu leurs prix déjà chuté de 13% cet année alors que le reste de Brooklyn a augmenté de 9%.
Le problème est de savoir si ces nouveaux locataires sont prêts a payer des loyers équivalents à Manahattan dans un zone qui sera très mal desservie. Dix huit mois représente une période assez courte sauf quand il s’agit de New York, ville fonctionnelle par excellence
Pour tous ces nouveaux venus, la fermeture du L Train, qui était la raison même de leur installation à Williamsburg – une station de métro de Manhattan et trois de Union Square – pourrait bien les pousser à repartir.
Les commerces, situés de part et d’autres de Bedford Avenue Station, qui dessert l’ensemble du quartier s’inquiètent d’un futur no man’s land lorsqu’ils n’auront plus cet afflux quotidien de dizaines de milliers de riverains tout comme les restaurants des alentours, l’une des richesses du quartier.
D’autres se réjouissent d’un éventuel « Williamsburgexit »!
Les médias et blogs new yorkais continuent d’évoquer les critiques et frustrations entourant la fermeture de 18 prévue pour 2019 mais certains habitants plus discrets se réjouissent d’un éventuel « Williamsburgexit ».
Soit parce qu’ils ne travaillent à Manhattan et peuvent se rendre à pied à leur travail (les journalistes de Vice par exemple) ou les nombreux travailleurs freelance qui travaillent de chez eux ou dans des cafés locaux.
Il y a également ceux qui s’accomoderont du vélo ou des trajets plus long en échange d’une vie de quartier plus calme et des loyers sans doute plus abordables
Les travaux du L Train finiront mi-2020 et d’ici là Williamsburg aura encore considérablement changé.
A voir!