Dans le kiosque du jeudi 11 mai 2017 – New York:
1. Tout savoir sur le ComeyGate
2. ComeyGate: Vers une crise constitutionnelle?
5. Black lives matter, une force politique
6. Les écarts d’espérance de vie se creusent aux Etats-Unis
7. « The Age of the Woke Late-Night Show Comedians »
***
1. Tout savoir sur le ComeyGate
Voici ce qu’il faut retenir jeudi de la crise la plus importante que traverse la Maison Blanche cette semaine:
- Mardi après midi, Donald Trump a signé le renvoi immédiat du directeur du FBI, sans prendre le soin de l’appeler – ce dernier a appris à la télé de Los Angeles – après avoir suivi les « recommandations » du ministre de la Justice, Jeff Sessions, et de son adjoint, Rod Rosenstein, en place depuis seulement deux semaines, qui ont conclu que Mr Comey n’avait pas bien dirigé l’enquête sur les emails d’Hillary Clinton, close en juillet dernier et avait compromis l’intégrité de l’agence de renseignements, accusée de soutenir la candidate démocrate.
- La Maison Blanche a affirmé mercredi que Trump comptait en fait renvoyer Comey depuis novembre et que les conclusions de Mr Rosenstein, prises en tout indépendance, avait précipité les démarches.
Selon Maggie Haberman du New York Times, Donald Trump n’a pas supporté l’attitude « insoumise » de Comey à son égard ces derniers mois:
- Contredire les accusations lancées début mars sur Twitter contre Barack Obama qui l’aurait mis sur écoute pendant la période de transition.
- Reconnaître publiquement l’existence d’une enquête sur d’éventuels liens entre son entourage et les Russes pendant la campagne présidentielle.
- Admettre la semaine dernière que l’idée de l’avoir aidé à remporter les élections – en rouvrant l’enquête sur les emails de Clinton à onze jours du scrutin – lui faisait mal au coeur.
Pour un président obsédé par la loyauté, Mr Comey est apparu comme un agent sans scrupules en qu’il n’avait aucune confiance, encore moins pour diriger une enquête sur les relations de son entourage avec Russie pendant les élections. Pour un homme de loi obsédé par son indépendance, Mr Trump était l’électron libre capable de propos irresponsables sur Twitter qui aurait pu mettre en cause la crédibilité du bureau.
Ce renvoi inattendu a pris de court la Maison Blanche qui avait du mal à s’entendre hier sur les raisons et le timing de cette décision: Pourquoi ne pas avoir viré Comey juste après les élections? Y a-t-il un rapport avec le cours de l’enquête du FBI?
Sean Spicer s’est retrouvé caché mercredi soir dans les buissons de la White House pour essayer d’échapper aux journalistes à qui il a fini par répondre dans la nuit noire.
Son adjointe, Sarah Huckabee, qui l’a remplacé en conférence de presse, et parlé des « atrocités » commises par Comey.
Enfin on a le droit au retour de Kellyanne Conway, conseillère zélée du président, dont la prestation a fait une fois de plus le tour d’internet.- Trump a utilisé l’erreur de Mr Comey la semaine dernière – il a accusé la conseillère de Clinton, Huma Abedin, d’avoir forwardé des milliers de emails contenant des informations confidentielles à son mari alors qu’il ne s’agissait en fait que de deux chaînes de emails – pour le virer contre l’avis de ses plus proches conseillers.
On sait que le président a appelé Jeff Sessions et Rod Rosenstein lundi pour préparer le mémo qui justifie le renvoi de Comey - Le président a été surpris du tollé de critiques provoqué par ce renvoi, surtout de la part des Démocrates qui, selon lui, auraient renvoyé directement Comey si Hillary Clinton avait été élu.
Explication reprise en coeur par les proches du président et républicains hier après midi. - Pour rajouter un peu plus d’huile sur le feu, il a rencontré hier dans le bureau ovale le ministre des Affaires Etrangères russe et son ambassadeur à Washington, à la demande de Vladimir Poutine.
Rencontre à laquelle était convié les journalistes russes mais interdite aux journalistes américains.
***
2. ComeyGate: Vers une crise constitutionnelle?
Comment la Maison Blanche peut-elle sortir de ce pétrin?
- Pour les Républicains et la Maison Blanche, la crise n’existe que dans la tête des Démocrates pour affaiblir le président car après tout « ni les Américains, ni les Parlementaires, ni même les employés du FBI n’avaient confiance en Comey » et il « avait urgence à rétablir l’honneur du Bureau ».
Le président rechercherait activement un nouveau directeur qui devra être confirmé par le Sénat. On voit mal le successeur de Comey être aussi agressif s’agissant de l’enquête du FBI sur l’entourage du président.
De nombreux républicains et les proches du président continue d’affirmer qu’il « n’y a rien à voir » et qu’on « devrait passer à autre chose ».
Charles Krauthammer, commentateur conservateur respecté demande Condolezza Rice - Une trentaine de parlementaires et sénateurs républicains ont pourtant exprimé des doutes sur les véritables intentions du président et une poignée a demandé la nomination d’un procureur pour poursuivre l’investigation, exigée par les Démocrates
- Pour l’opposition, Trump a renvoyé Comey parce qu’il n’avait aucune intention d’arrêter l’enquête sur les liens entre son entourage et le Kremlin pendant la campagne: L’ancien directeur du FBI a d’ailleurs demandé lundi aux membres du Sénat et à Rod Rosenstein de moyens pour approfondir cette enquête.
C’est Mr Rosenstein qui a « officiellement » demandé son renvoi mercredi.
C’est le troisième haut fonctionnaire de la sphère judiciaire, après Sally Yates et Preet Bharara a être viré après s’être approché de trop des affaires de Trump avec la Russie, et qui ne fait que renforcer les soupçons. - Les Démocrates ont demandé au ministre adjoint de la justice, Rod Rosenstein (et non pas à Jeff Sessions qui s’est récusé de toute enquête sur la campagne du président) de nommer un procureur indépendant qui puirsuive le travail laissé par Comey. S’il refuse, on pourrait s’attendre à un regain de critiques et l’opposition et de la presse
- Deux enquêtes sur l’ingérence russe en cours au Congrès américain dirigées par les commissions parlementaires et sénatoriales du Renseignements sous l’autorité des Républicains.
- On devrait s’attendre a de nombreuses fuites du FBI sur l’administration Trump
***
3. Not good
Le dernier sondage de Quinnipiac University donne 36% d’opinions favorables au président Trump – et c’était avant le ComeyGate.
***
4. Ou placer le renvoi de James Comey dans ces cent premiers jours?
Merci le New York Times!
***
5. Black lives matter, une force politique
- La répression sévère des forces de police et de la justice contre les manifestants, encouragée par la Nouvelle Administration a poussé le mouvement Black Lives Matter à réorganiser sa lutte: Moins de présence dans la rue et plus d’efforts sur le discours et la mobilisation politiques.
- D’autres groupes, immigrés, femmes et musulmans, devenus ces derniers mois la cible des politiques de Trump sont aujourd’hui défendus par Black Lives Matter qui essaye d’attirer le plus grand nombre de « progressistes » vers leur mouvement pour devenir une force électorale capable de combattre une administration, décidée à casser les efforts entrepris par Obama pour réformer les pratiques de la police et retourner à l’incarcération de masse.
Leurs revendications intègrent également des thèmes plus sociaux et économiques comme le salaire minimum ou les droits des femmes. - Contrairement à « Occupy Wall Street », Black Lives Matter, un mouvement purement contestataire né lui aussi dans la rue est en train de devenir une force politique qui compte aujourd’hui une cinquantaine d’antennes à travers le pays.
« C’est à travers ce travail que les priorités d’un mouvement – comme l’usage obligatoire de caméra sur les gilets par balles – deviennent une norme nationale » et c’est de cette façon que les mouvements efficaces fonctionnent ». - * « Turning away from street protests, Black Lives Matter tries a new tactic in the age of Trump » – The Washington Post
***
6. Les écarts d’espérance de vie se creusent aux Etats-Unis
- Le JAMA Internal Medicine a publié lundi un rapport sur l’espérance de vie des Américains et noté des écarts de presque vingt ans entre certaines régions du pays: elle dépasse les 85 ans dans le milieu du Colorado, et les 80 ans sur la côte californienne, le nord est du pays, le nord du Midwest, le sud de la Floride.
Elle peut tomber jusqu’à 70 voire 65 ans dans certains comtés du Dakota du Sud (réserves indiennes), le long du fleuve Mississipi (Mississipi, Arkansas, Louisiane), dans l’Alabama, le Kentucky et la Virginie Occidentale: des régions marquées par le chômage, le manque d’éducation, la pauvreté, un accès limité aux soins médicaux et des habitudes de vie qui n’arrangent rien, cigarette, manque d’exercice, et l’épidémie de drogues.
- Si l’espérance de vie augmente en général, les disparités se creusent, et la situation des régions dans lesquelles les Américains meurent plus jeunes a tendance à empirer. Le problème de l’assurance joue pour beaucoup par rapport aux taux des autres pays occidentaux mais les chercheurs ont récemment insisté sur les « maladies de la misère » qui touchent de plein fouet les populations blanches et rurales.
- * « US Life expectancy varies by more than 20 years from county to county » – The Washington Post
***
7. « The Age of the Woke Late-Night Show Comedians »
Les Late-Night Shows américains en feraient-ils trop contre Donald Trump et est-il possible aujourd’hui de faire rire sans s’attaquer au président?
- L’élection de Donald Trump a changé en quelques mois le visage de l’Amérique et obligé de nombreux personnalités médiatiques, notamment à la télévision, à prendre parti pour ou contre le nouveau président – même la chaîne sportive ESPN est accusée de prosélytisme par les Conservateurs.
- Ceux qui souhaitent rester neutre ou en dehors de la fièvre partisane le payent très cher à l’instar de Jimmy Fallon, le gentil bouffon de NBC qui a remplacé le légendaire et très conciliant Jay Leno dans l’un des programmes phares de la chaîne, « The Tonight Show » diffusé tous les soirs à 23h30.
Depuis le 8 novembre dernier, ses parts d’audience ont chuté au profit d’autres Late-Night Shows bien plus politisés (Stephen Colbert, Jimmy Kimmel, Trevor Noah, Seth Meyers…).
La raison est simple: Jimmy Fallon ennuie les téléspectateurs qui ont désormais besoin de leur shot quotidien de politique, si possible contre le président Trump. Face à ces exigences, le « gentil Fallon, pas compliqué et inoffensif » qui continue d’amuser la galerie et ses invités avec ses sketchs niais, devinettes et karaoké semble presque anachronique, voire désuet. - La présidence de Trump a inauguré l’ère des comédiens de fin de soirée « engagés » (« woke ») dans la vie publique et politique: Selon une étude de George Mason University, Trump durant les cent premiers jours aurait fait l’objet d’un milliers de blagues, d’attaques ou de sketchs sur le petit écran, un chiffre énorme surtout qu’il reste encore 41 mois à passer.
Le divertissement très politisé porté par Jon Stewart depuis le début des années 2000 triomphe aujourd’hui sous la présidence de Trump contre celui plus potache de Jay Leno: Les « woke late-night show comedians » qui comptent en ce moment sont tous d’anciens acolytes de Stewart et politiquement agressifs: Stephen Colbert, Samantha Bee, John Oliver et Trevor Noah - * « Jimmy Fallon, Late Night’s least woke comedian » – Newsweek
* « Joke’s on him Study shows Trump subject of most late night quips in early presidency » – Politico
***
8. Les unes des quotidiens mercredi 10 mai 2017
Pour comprendre le séisme politique du ComeyGate