Ce week-end, Donald Trump a utilisé les attaques terroristes de Londres pour défendre sa fameuse « travel ban »; une terminologie controversée, démentie pendant des mois par son administration, qui a désormais toutes les chances d’être rejetée par le Cour Suprême des Etats-Unis.
Explications.
Oui, il s’agit bien d’une travel ban
- Samedi soir, le président américain a utilisé les attaques terroristes de Londres pour défendre son décret présidentiel anti-immigration:
ll faut être intelligent, vigilant et intransigeant. Les cours doivent nous rendre nos droits. La Travel Ban est nécessaire pour renforcer notre sécurité.
- Dimanche, les médias américains ont surtout relevé l’utilisation de la terminologie controversée de « travel ban » que son administration a essayé tant bien que mal de minimiser ces derniers mois en accusant les médias d’en être à l’origine.
Ce matin le président a évoqué la polémique et ne s’est pas rétracté, au contraire:Les gens, les avocats et les cours peuvent l’appeler comme ils veulent, mais je l’appelle pour ce qu’elle est et pour ce dont nous avons besoin: UNE TRAVEL BAN
- Il a également reconnu que la première version, « plus dure », bloquée par une cour d’appel fédérale, est celle qu’il a toujours voulu, et que la seconde, elle aussi bloquée, et présentée devant la Cour de Justice des Etats-Unis la semaine dernière, « est édulcorée et politiquement correcte ».
- Il en a également profité pour critiquer les cours de justice, « lentes et partisanes » qui doivent pourtant décider de l’avenir du décret.
Les deux travel ban bloquées
- La première « travel ban » (Executive Order #13769) signée le 27 janvier dernier interdisait l’entrée sur le territoire américain des réfugiés syriens, bloquait l’entrée des réfugiés provenant de sept pays musulmans, y compris ceux en possession d’un visa, pour trois mois, en attendant de vérifier leur statut.
Le décret a été bloqué par une cour d’appel de Washington quelques jours plus tard. - La seconde travel ban (Executive Order #13780) signée le 6 mars ré-autorise uniquement l’entrée de réfugiés syriens ayant déjà reçu l’accord des autorités américaines et les détenteurs d’une carte verte ou d’un visa en règle provenant des six pays musulmans. La délivrance de nouveaux visas et l’accueil de nouveaux réfugiés syriens est suspendue
Le décret a été bloqué à nouveau par un juge de Hawaï une semaine plus tard. - Dans les deux cas, les juges ont utilisé les propres commentaires de Trump sur le décret anti-immigration « pour démontrer qu’il s’agissait d’un outil de discrimination déguisé en directive nationale de sécurité » .
Durant la campagne électorale, Donald Trump avait appelé à « une interdiction totale et complète de l’arrivée de Musulmans aux Etats-Unis ».
Une travel ban qui tombe à l’eau?
- Ce matin, Donald Trump « [a rejeté] tout ce que son administration a fait pour gagner l’approbation de la cour »:
- Au niveau de la terminologie: Sean Spicer le porte parole de la Maison Blanche, John Kelly, le secrétaire de la sécurité intérieure ont passé des semaines à critiquer la terminologie de « Travel Ban »
- Au niveau de ses intentions: En qualifiant la seconde version de la travel ban d’ « édulcorée » et de « politiquement correcte », Trump « complique le travail de ses avocats qui doivent persuader les juges qu’il s’agit bien de deux décrets différents. »
- Même si selon le Washington Post,
Les avocats du gouvernement ont cherché à convaincre les juges de ne pas prendre en compte les déclarations du président en limitant leurs analyses au texte des décrets.
- Les journalistes ont sauté sur l’occasion pour mettre le président et son administration en face de leurs contradictions à l’instar de Chris Cuomo, journaliste de CNN:
Ce sont des faits, ceux du président des Etats-Unis, il s’agit d’une interdiction (« ban ») et ça a toujours été le cas à l’encontre des Musulmans, c’est ce que le président veut. Le débat est clos.
- Car comme l’a rappelé Susan Rice, ancien secrétaire à la sécurité nationale de Barack Obama, ce week-end:
Il n’y a aucune preuve qui suggère que l’interdiction d’entrée sur le territoire américain de Musulmans provenant de six pays va renforcer la sécurité des Etats-Unis.
- Michael Hayden, ancien directeur de la NSA, explique ce matin qu’il n’y a aucun rapport entre la travel ban et les menaces auxquelles doit faire face aujourd’hui le pays: des menaces domestiques (« homegrown terrorism ») qui sont nées dans les communautés islamistes des Etats-Unis et « le seul moyen de les détecter, c’est d’essayer d’entretenir de bonnes relations avec les communautés musulmanes ».
L’incident de ce matin pourrait remettre en cause l’une de ses principales promesses de campagnes du président, prouve une nouvelle fois son caractère impulsif et son manque de réflexion, et réaffirme la nécessité de contrôler son utilisation des médias sociaux.