Après le Dallas Morning News mercredi, c’est au tour du Washington Post de dénoncer l’obsession des médias autour de la messagerie privée d’Hillary Clinton et du manque de professionnalisme de certains médias et journalistes lors de ces périodes d’élections.
Désastre au « Commander-in-Chief Forum »
La preuve? La première interview en direct sur NBC mercredi soir, des deux candidats qui interrogés l’un après l’autre sur les questions de défense et de sécurité nationale. Entretiens au cours desquels Matt Lauer, présentateur star de la chaîne et modérateur du soir, a nourrit une fois de plus la polémique autour de l’emailgate de Clinton tout en étant incapable de confronter Trump sur ses mensonges.
D’où le ras-le-bol en forme d’édito publié le lendemain dans le Washington Post:
A en juger par le temps qu’a passé Matt Lauer à presser Hillary Clinton sur ses emails mercredi lors du forum présidentiel sur la Sécurité Nationale, on pourrait en conclure que son serveur « fait maison » est l’un des problèmes les plus critiques auquel fait face le pays durant ces élections.
Il n’en est rien.
Il existe des milliers d’autres questions de fond (…) auxquelles les candidats auraient pu réagir et proposer des solutions. Au lieu de cela, aucune d’entre elles n’a été abordé durant ces précieuses heures de grande écoute que les deux candidats vont partager avant les élections, alors que les emails eux, ont monopolisé un tiers du temps de parole de Clinton.
Effectivement les deux entretiens de Matt Lauer ont été un fiasco complet, « un désastre » pour les dirigeants de la chaîne qui a tout de même rassemblé 15 millions de téléspectateurs.
Les plus mécontents se sont rapidement exprimés sur Twitter avec le hashtag #Laueringthebar – Jeu de mots avec « lowering the bar » qui signifie « baisser le niveau » et toujours l’une des tendances du réseau social à l’heure où nous écrivons.
Trevor Noah du Daily Show
Non seulement, il a empêché Clinton d’évoquer son programme de défense et de sécurité nationale, en se concentrant sur une affaire dont l’enquête a été close par le FBI en Juin dernier, mais il a été incapable de relever les affirmations de Donald Trump, lorsqu’elles étaient fausses, et notamment sur sa position vis-à-vis de la guerre en Irak.
Le candidat républicain n’a critiqué l’engagement américain qu’après le déploiement des troupes mais a réussi à faire passer l’idée, ce soir là, qu’il avait été un opposant de toujours à cette guerre.
Quant aux médias et collègues journalistes, ils le lui ont bien fait comprendre: « perdu en mer » (New York Times), « mysogine » (Slate), « pathétique » (New York magazine), « Mauvais » (Daily Show), etc…
Les médias, le grand perdant de ces élections?
C’est le mainstream média qui est aujourd’hui dans le collimateur de nombreux autres journalistes et commentateurs, à l’instar de Jonathan Chait dans le New York magazine cette semaine:
Je n’ai jamais sérieusement envisagé la possibilité que Trump gagne la présidence jusqu’à ce que je regarde les interviews de Matt Lauer avec les deux candidats. Sa performance n’est pas seulement un échec, c’était horrible et choquant.
Le choc, pour moi, c’est de réaliser que l’environnement d’information dans lequel vivent la plupart des Américains est complètement différent que celui des journalistes.
J’absorbe beaucoup d’informations parce que c’est mon métier mais l’information que je consomme est de qualité. La plupart des électeurs, et surtout les indécis, se nourrissent d’information « light » comme celle que véhicule Matt Lauer. Et la réalité que nous offre Matt Lauer, c’est celle de la réalité des sondages: un monde dans lequel Clinton et Trump se valent.
Poynter nous donne un élément de réponse dans un interview réalisée avec Glenn Trush, reporter à Politico:
[Depuis les primaires, les électeurs] ont reçu ce à quoi ils sont habitués, des modérateurs assez bien informés qui respectent les règles très standard du débat. Le problème c’est qu’un candidat – Donald Trump – ne respecte pas ces règles, et que les chaînes d’info sont terrifiées, sidérées, indifférentes, ou accros aux parts d’audience pour réagir.
Comme le rapporte Brian Shelter sur son blog CNN « Reliable Sources
Cette campagne remet en question les bases du reportage et de l’interview. Les concepts fondamentaux « d’équité » et « d’objectivité ». Combien de temps devrait-on passer sur cette controverse de emails? Quand est-ce qu’un modérateur doit intervenir lorsqu’un candidat ment? Qu’est ce que la balance au cours d’une campagne présidentielle? Est ce que tous les mensonges se valent?
De l’autre côté, chez les médias plutôt favorable à Trump, on dénonce la campagne de dénigrement dont serait victime Lauer, pour avoir traiter de manière « équitable » les deux candidats.
Ces premiers interviews en direct, une véritable disgrâce pour le journalisme, est une bonne leçon pour les modérateurs qui animeront les débats ces prochaines semaines.
Prochain rendez vous avec Lester Holt (NBC) à Hofstra University, NY le 26 Septembre prochain entre les deux candidats, puis entre les deux « running mates » sur CBS le 04 Octobre en Virginie. ABC et CNN retrouveront Clinton et Trump à St Louis, le 09 Octobre, et enfin FOX News à Las Vegas le 19 Octobre.