Netflix a mis en ligne cette semaine un documentaire de sensibilisation au « cyberbullying » dans les cas d’agressions sexuelles chez les lycéens américains.
Un phénomène qui a fait la une de l’actualité ces dernières années à cause de ses conséquences dramatiques qu’il a provoqué et de la gestion très critiquée de la justice, de la police et de la communauté vis-à-vis des agresseurs et des victimes.
Témoignage des agresseurs et agressées
« Audrie & Daisy » sont deux lycéennes, violées par des camarades de classe ou du même établissement scolaire et dont les agressions ont été diffusés sur internet et les médias sociaux provoquant injures, moqueries et mises à l’écat des victimes.
Audrie s’est suicidée dans sa chambre en 2012. Daisy a survécu à plusieurs tentatives et a été poussée par sa propre communauté à quitter la ville.
Les témoignages des parents, des familles des victimes et des victimes elles-mêmes est très dur, mais celui des agresseurs et des autorités vis-à-vis de ce genre d’affaire est encore plus difficile à entendre.
La force de ce documentaire tient à la participation des « agresseurs » ordonné par le juge en échanges de peines de quelques mois de prison. Ces adolescents, qui apparaissent sous forme d’animation, répondent de manière laconique sans réaliser la gravité et les conséquences de leurs actes, des faits d’agressions sexuelles auxquels ils ont participé.
Les deux réalisateurs, Bonni Cohen and Jon Shenk, se sont également appuyés sur les vidéos des dépositions des adolescents.
Leur défense? Ces adolescents n’avaient aucune idée que prendre des photos d’une mineur nue et les partager sur internet constituait un crime, « juste une blague pour s’amuser entre potes [de l’équipe de football] » quand d’autres vont affirmer que la jeune fille inconsciente était consentante.
Ces adolescents n’ont sans doute pas voulu provoquer la mort de leur amie ou consciemment pensé qu’ils violaient une adolescente, mais un crime de cette nature doit de toutes façons faire l’objet d’une enquête et d’une condamnation si les faits sont circonstanciés.
C’est là que le bas blesse.
Loi du silence, et responsabilité des autorités
Dans le cas de Daisy Coleman qui a été violée à l’âge de 14 ans, inconsciente sous les effets de l’alcool, par la star de l’équipe de football, Matt Barnett, 17 ans à l’époque, le sheriff explique très sérieusement:
« Il ne faut sous-estimer le besoin d’attention de certaines personnes, notamment des jeunes filles. Il y a beaucoup de pressions sur les jeunes filles dans notre société pour être belles, pour être appréciées et populaires. Ce n’est pas juste mais c’est la façon dont fonctionne notre société (…) Cette affaire est devenue hors de contrôle parce que tout le monde a utilisé le mot « viol », c’est très populaire. Le viol. Le Viol de Maryville. Le viol Coleman. Rien de ce qui s’est passé cette nuit-là qui rassemble de loin ou de près à un viol. Qu’on soit d’accord ou non, des jeunes de cet âge peuvent avoir des relations sexuelles consenties dans l’état du Missouri
Quelques mois après l’agression, le procureur a abandonné toutes les charges contre Mr Barnett et l’ami de celui-ci qui avait filmé la scène. « Une décision politique » pour la mère de la victime: l’agresseur appartient à une puissante famille du Missouri et « dans ces petites villes du fin fond de l’Amérique, il est plus important de protéger les garçons plutôt que de rendre justice aux filles (…) ils représentent la communauté et on ne veut pas les contrarier, ce sont des héros.
Une décision qui a choqué le pays et provoqué un intérêt médiatique sans précédent sur la communauté de Maryville, et certainement pas pour les bonnes raisons.
A la suite de la dénonciation de son agresseur, toute la petite communauté de Maryville a tourné le dos à la famille Coleman et aux quatre enfants scolarisés, la jeune Daisy a été harcelée sur les médias sociaux, la mère a perdu son travail de vétérinaire, leur maison a été incendiée, les obligéant a quitté la ville définitivement.
Le jeune Barnett a finalement été condamné à deux ans de prison avec sursis pour mis-en-danger d’une mineur.
Aucune accusation d’agression sexuelle n’a été retenue.
Prise de conscience collective dans les universités du pays
L’année dernière, plusieurs affaires de viol ont poussé les médias à dénoncer ce « phénomène national » dans les campus américains de Baylor University (Texas), Vanderbilt (Tennessee), Columbia, et récemment celle de Stanford.
Selon une étude réalisée sur neuf campus du pays, une « undergraduate » sur cinq aurait subie une agression sexuelle, dont seulement 37% seraient reportées à la police du campus, par peur de représailles, d’exclusion, ou de mises à l’écart par d’autres étudiants.
Les problèmes auxquels font face les victimes tiennent aussi au manque de témoins, au rôle de l’alcool, et enfin aux condamnations très légères qu’obtiennent les agresseurs.
Le documentaire de Netflix, « émotionnellement difficile à regarder », voudrait provoquer le même électrochoc chez les lycéens et les adultes pour alerter et prévenir ce genre de comportements.
Il y a deux semaines, le Washington Post publiait le témoignage d’une mère intitulé « Mes deux adolescents sont aveugles à la culture du viol » qui explique:
Je n’ai jamais imaginé que j’élèverai des garçons qui deviendraient des hommes comme ça. Des hommes qui pensent que la culture du viol n’existe pas ou qui ne comprennent pas le sexisme. Des hommes qui me disent que je suis trop sensible et ou que je ne comprends pas comment fonctionnent les adolescents.
On parle jamais de ce genre de choses maman, m’ont-ils dit avec agacement.
C’est la façon dont tous les jeunes se comportent