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The New Yorker: « The Opposite of a Muse »

 

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Isabelle Mège, ancienne secrétaire médicale de l’hôpital Saint Antoine à Paris, passionnée de photographie a demandé pendant vingt ans à ses artistes préférés de « l’intégrer dans leur travail ».
Au gré de leur passage dans la capitale ou à l’occasion d’une exposition, elle rentre en contact avec eux et leur explique qu’elle « aimerait [s’apercevoir] à travers [leur] regard » et a réussi souvent à les convaincre de lui accorder quelques heures de travail.

Isabelle Mège a commencé à collectionner les dizaines de travaux dans laquelle elle est apparue depuis ses vingt ans, date à laquelle elle a quitté l’Auvergne pour déménager à Paris.
L’un des premiers photographes avec qui elle a travaillé est JeanLoup Sieff en 1986 puis elle a continué à rentrer contact avec des photographes, voyager à travers l’Europe si nécessaire et au début des années 90, elle avait déjà amassé une soixantaine de photos.

Pour rencontrer l’artiste américain Joel-Peter Witkins, connu pour ses travaux photographiques morbides, elle lui a envoyé trois fioles de son sang par la poste jusqu’à Albuquerque au Nouveau Mexique. De leur rencontre quelques mois plus tard est née l’une des oeuvres les plus connues de Witkins, « Negre Fetichist », dans laquelle elle pose nue, allongée sur un lit taché d’une substance noirâtre. « Son corps voulait prendre cette photo » se remémore Witkins au Anna Heyward, journaliste du New Yorker, « le photographe a besoin d’un modèle. Et c’est l’une des meilleures photos que j’ai jamais faites. Je n’aurai pas pu la faire avec une autre personne »

Après chaque séance photo, elle demande un exemplaire signé qui est soigneusement rangé avec tous objets, correspondance qui entourent la rencontre et relatés religieusement dans un journal qu’elle a tenu entre 1986 et 2008.
Ces archives montrent comment elle a parfois dû attendre des années pour être prise en photo, et le contrat signé par tous les artistes stipulant qu’elle a le droit d’utiliser ou d’exposer la photo, montre un véritable projet artistique sur le long terme.

En 2008, à 42 ans, après avoir amassé plus de 300 clichés, elle a décidé que le projet était terminé. Elle l’a appelé « the Collection » et rassemble 135 de ces images.

Mège n’est pas un muse. Au contraire. Il ne s’agit pas non plus de forme d’auto-portraits mais « l’excitation d’entrer encore et encore dans l’univers de l’artiste et son processus créatif ».
Pour le philosophe Jean-Luc Nancy, « c’est une artiste dont la technique passe par d’autres artistes ».

Elle n’a montré sa collection qu’à une poignée de personnes et ne compte pas l’exposer. Elle habite aujourd’hui dans la banlieue de Dijon avec son mari et sa fille et mène une vie tout ce qu’il y plus d’ordinaire.

 

Published in A lire dans la Presse