Les 500 millions de tweets postés chaque jour sur le réseau social qualifié de firehose, « tuyau d’incendie », représente une banque d’informations immense pour les compagnies et un outil de surveillance efficace pour les agences de renseignement et force de police et gouvernement étrangers.
Retour sur un business en pleine expansion qui met en danger la liberté d’expression d’une communauté numérique mondiale que Twitter a pourtant contribué à construire.
Le Firehose de 500 millions de Tweets quotidiens
L’enquête proposée cette semaine par Ben Elgin dans Bloomberg Businessweek s’intéresse à cet immense de contenu et d’information qui est diffusé et enregistré par Twitter pour être ensuite à des sociétés qui iront y trouver les renseignements nécessaires pour figurer ou anticiper les nouvelles tendances et comportements des consommateurs.
Des entreprises achètent ce firehose pour le contenu des tweets qu’ils vont analyser avec des logiciels mais aussi pour les données empiriques que chacun d’entre eux offrent: la marque du téléphone ou de l’ordinateur utilisé pour envoyer le tweet, le nom, l’adresse email, la location, la ville d’origine et tout ce que l’utilisateur aura bien voulu dévoiler sur son compte Twitter.
Ces agences spécialisées dans la gestion et le contrôle des contenus diffusés sur Twitter vont pour classifier et revendre ces données à d’autres entreprises, dont certaines travaillent pour des gouvernements, services de renseignements qui les utilisent de plus en plus pour la surveillance des utilisateurs.
Le journaliste cite l’entreprise Geofeedia qui se présente comme « une plate forme analytique basée sur la location qui permet à des centaines d’organisations à travers le monde de prédire, d’analyser et d’agir en se basant en temps réel sur les signaux des médias sociaux ».
En septembre dernier, l’American Civil Liberties Union de Californie a révélé que les agences de police s’étaient dotées un peu partout dans l’état de logiciels capables d’espionner les médias sociaux pour essayer de se débarrasser de certains les activistes grâce un réseau de surveillance numérique – en utilisant par exemple les hashtags #Blacklivesmatter, #Don’tShoot, #I’munarmed, lorsqu’une manifestation contre les brutalités policières ou à l’initiative de Black Lives Matter est organisée.
Sur les 63 départements de police, sheriffs et procureurs dont les archives ont été obtenues, 40% avaient recours à des outils de surveillance utilisant les médias sociaux – sans même que leur utilisation soit légale.
Il n’existe aucune loi pour protéger les droits et les libertés civiles dans ce domaine.
Des sociétés de surveillance
Les révélations faites par l’ACLU ont également montré que des compagnies comme Geofeedia essayent de promouvoir leur service en « qualifiant les syndicats et groupes militants de menaces et en suggérant que leur produit peut être utilisé pour cibler les militants de couleur« .
Après les réactions de nombreux médias sur le rapport diffusé par l’ACLU, Twitter a cessé de travailler avec Geofeedia.
Mais selon le journaliste de Bloomberg Businessweek, « ces dernières années, au moins 17 entreprises ont proposé des produits de surveillance qui utilisaient les données de Twitter pour servir les forces de police »
Les entreprises qui offrent de la surveillance numérique opèrent également à l’étranger, à l’instar de Snaptrend, basée à Austin au Texas, qui a vanté ses services à des gouvernements étrangers tels que l’Azerbaïdjan, le Bahrein, la Malaisie, l’Arabie Saoudite, la Turquie, notamment en période d’agitation sociale.
Là aussi, la compagnie à sa manière de présenter son activité:
« Le logiciel snaptrends renforce les organisations en visualisant les conversations sociales et en analysant le contenu des médias sociaux dans n’importe quel lieu géographique spécifique et qui vous aide à mettre en valeur votre marque, vos services, vos produits ou organisation plus facilement »
Une source de revenue pour Twitter
Il est toujours possible aujourd’hui pour un utilisateur de Twitter de rentrer des mots dans le moteur de recherche et de trouver les tweets qui y sont liés, seulement les résultats obtenus sont bien moindres que ceux mis à disposition des entreprises qui payent pour ce service.
Les prix restent confidentiels, mais selon Ben Elgin, les tarifs diffèrent selon les capacités d’accès au flux de tweet et aux archives: le plus cher et le plus complet, celui qui offre le trillion de tweets postés depuis la création de Twitter en 2006 couterait 1 million de dollars, ou 900 000 euros l’année.
La compagnie a engrangé 67 millions de dollars au second trimestre de 2016 grâce à la vente de cette banque de données, un chiffre encore très bas par rapport aux revenus publicitaires qui représentent 90% durant la même période.
Mais compte tenu d’une croissance limitée de la publicité sur ce réseau social, les profits vont reposer de plus en plus sur ces services.
Une tendance qui pourrait éloigner les utilisateurs de Twitter sachant que leur statuts, réflexions et commentaires peuvent être désormais utilisés à leur encontre. Une autre dérive des médias sociaux qui inclut également Facebook, Instagram et même Snapchat.