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La rédemption de Glenn Beck

Glenn Beck a construit son succès grâce à la victoire d’Obama en 2008 qui avait provoqué un vent de révolte populaire un peu partout dans le pays à son encontre, avec la mobilisation du Tea Party qui en a fait leur héros.
Huit ans plus tard, en dénonçant les propos du candidat républicain tout au long de sa campagne, Beck s’est imposé comme « l’une des voix les plus raisonnables des médias conservateurs » mais s’est aliéné une bonne partie des Républicains, de son audience, et pourrait voir son empire s’effondrer après l’élection de Trump.
Dans cette rédemption, il a pourtant gagné le respect de ses anciens adversaires, les libéraux et progressistes.

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C’était l’un des commentateurs ultra-conservateurs les plus détestés de l’ère Obama, mais aussi l’un des plus populaires qui a fasciné les médias grâce à sa rhétorique chrétienne, anti-libérale et anti-gouvernement.

Durant l’été 2010, il a organisé un rassemblement au Lincoln Memorial de Washington, intitulé “Restoring Honor”, censé lever des fonds pour les enfants de soldats américains blessés ou tués en mission – à l’époque déployés en Irak et en Afghanistan – qui avait rassemblé des dizaines de milliers d’Américains, essentiellement blancs et chrétiens, très anxieux vis-à-vis de la tournure progressive que prenait le pays.
Ce fut le tournant de sa carrière, ce qui l’a fait passer d’animateur télé à véritable star, jouissant d’une immense popularité, qui lui a d’ailleurs offert la couverture du New York Times magazine.

Présentateur d’un show quotidien sur la chaine conservatrice Fox News depuis janvier 2009, date de l’investiture de Barack Obama, Glenn Beck est aussi animateur radio, écrivain à succès, éditeur et vend ses propres produits dérivés sur son site internet.
Ancien alcoolique reconverti mormon, Jon Stewart, alors présentateur du Daily Show, disait de lui qu’il exprimait ce que « les gens qui ne pensent pas pensent ». Grâce une sensibilité à la limite de la mièvrerie, il a su convaincre ses auditeurs que ce qu’il disait n’était pas forcément voulu, qu’il n’était pas infaillible et parfois irresponsable devant certaines prises de positions: Comparer les progressistes aux nazis, Obama et la haine des blancs, la Maison Blanche prise d’assaut par les Communistes ou avoir envie de tuer Michael Moore à coups de pelle.

Time Magazine - Edition du 28 septembre 2016
Time Magazine – Edition du 28 septembre 2016

Glenn Beck a quitté Fox News en 2011, poussé à la porte par Roger Ailes selon certains, il a créé peu après son propre site d’informations sur internet, The Blaze, et a continué son émission de radio, l’écriture de bouquins jusqu’à ces élections présidentielles.

Durant les primaires républicaines, il a défendu Ted Cruz, le candidat malheureux des conservateurs qui s’est très vite retiré de la campagne … mais il aussi violemment critiqué Donald Trump qu’il a comparé à Mussolini et Hitler et ses supporters aux Chemises Noires.
« Ce mec est complètement déséquilibré (…) et avec toutes les choses qu’on a dit sur moi toutes ces années, je devrais être capable de discerner un dangereux déséquilibré.

 du magazine Rolling Stone expliquait le mois dernier:

Selon lui, et quelque soit le gagnant, Beck pourra au moins dire qu’il aura été le seul, ni Sean Hannity, ni Fox News, le Drudge, Breitbart, ni Bill O’Reilly ou Rush Limbaugh, aucun de ses collègues de droite, n’ont eu le courage de reconnaître l’évidence, qu’un vote pour le moins pire reste un vote pour le pire. Il est resté attaché à sa morale, quelqu’en soit le coût professionnel ou personnel.

Il reconnaît avoir une responsabilité dans “l’avènement d’un taré” comme celui-ci en déclarant en 2014 à Megyn Kelly: “Malheureusement, j’ai aidé à diviser ce pays (…) je ne me suis pas rendu compte à quel point il était fragile”

Glenn Beck est l’un des rares conservateurs à s’être officiellement distancé de Donald Trump et en paye depuis le prix fort.
Vilipendé par Breitbart News, snobé par Fox News, ses sites internet (The Blaze et Gleenbeck.com) boycottés, l’audience de son émission de radio en chute libre: son empire estimé l’année dernière à 90 millions de dollars pourrait s’effondrer après les élections.

Trump est devenu président la semaine, et la seule consolation qu’il peut trouver aujourd’hui c’est dans les médias plus libéraux, qui saluent à l’instar de Rolling Stone ou du New Yorker  le choix de la décence plutôt que celui de l’opportunisme.

En février, il avait qualifié Steve Bannon, alors rédacteur en chef du site alt-right Breitbart News, qui a pris très tôt la défense de Trump, « d’être humain abjecte et méprisable ».
Certain que Bannon voulait rentrer dans le cercle restreint du futur candidat républicain, Beck le voyait devenir soit « chef de cabinet [en cas de victoire] ou le nouveau Roger Ailes [en cas de défaite] »

Bannon a été nommé Chief Strategist à la Maison Blanche, Glenn Beck avait raison, et selon lui, « l’un des hommes les plus dangereux de la politique américaine » est aujourd’hui l’un des plus puissants à Washington.

Published in Analyse