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« La guerre de noël »: Merry Christmas ou Happy Holidays?

Chaque année aux Etats-Unis, les célébrations de noël donnent lieu à la même polémique construite de toutes pièces par les Conservateurs qui accusent les « progressistes laïcs » de menacer la tradition chrétienne.
Au centre de la discorde, les partisans de « Joyeux Noël » menacent de boycott les enseignes et grands magasins qui lui préfèrent le terme plus neutre de « joyeuses fêtes ». 

Retour sur cette discorde qui a trouvé un allié de choix cette saison avec le président-élu, Donald Trump.

 

Bill O’Reilly et Fox déclarent la guerre aux « joyeuses fêtes »

A New York, au mois de décembre, il est rare de trouver une vitrine sans père noël, guirlande ou un magasin sans une odeur bougie à vanille qui ne passe en boucle des « Christmas carols »: Noël, c’est la fête commerciale de l’année avec des décorations et des célébrations jusqu’à l’écoeurement.
Mais pour certains cette mise-en scène n’est pas suffisante.

En 2004 un reportage intitulé « Noël Assiégé » dans l’émission « The O’Reilly Factor » sur Fox News accuse les établissements publics, la grande distribution et publicitaires de vouloir « laïciser » la fête chrétienne au nom du « politiquement correct » imposée par une société de plus en plus diversifiée et multiculturelle.
A l’époque, Fox News est devenue la chaîne d’infos la plus regardée du pays, l’antenne officielle du gouvernement Bush, et beaucoup d’Américains croient à leurs propos comme parole d’évangile.
Certains magasins et grandes surfaces du pays ont effectivement demandé à leurs employés d’utiliser « joyeuses fêtes » avec leurs clients plutôt que « joyeux noël » et le maire de New York, Michael Bloomberg, à parler des « sapin de fêtes » plutôt que de « sapin de noël » – au delà cela, rien d’anormal.

 

Le catalogue de la chaine de grandes surfaces Lowe qui parle de « family tree » plutôt que « christmas tree »


Pour O’Reilly, l’un des champions de cette polémique, « la guerre de noël » est une menace contre la tradition et la foi chrétienne partagée par une grande partie des Américains, dans un climat post-11 Septembre encore très sensible: 

« Les progressifs laïcs réalisent que l’Amérique d’aujourd’hui n’approuvera jamais le mariage gay, l’avortement partiel, l’euthanasie, la légalisation des drogues, la redistribution des revenus à travers l’impôt et d’autres approches progressives à cause l’opposition religieuse

L’American Family Association, considérée comme homophobe par le Southern Poverty Law Center, créé une liste annuelle des magasins considérés comme « naughty or nice » (« méchants ou gentils ») suivant l’effort qu’ils font pour célébrer « l’esprit » de noël. Une année, les centres commerciaux Lowe ont reçu une « Action Alert » par l’association pour s’être référés à « des arbres de famille » plutôt des « arbres de Noël » dans leurs catalogues – ils ont se sont excusés publiquement auprès de leurs clients.

La liste de l’American Family Association « naughty-or-nice » des magasins

 

D’une « guerre des cultures » à une farce télévisée

A partir de 2005, la polémique autour de « la guerre de noël » est devenue une « farce annuelle » entre programmes télé conservateurs et progressistes, un « moyen pour les producteurs de remplir les plages télés durant les vacances de fin d’année » et un moyen pour les associations religieux et familiales de se faire un peu de publicité.

La guerre de Noël est symbiotique, elle produit beaucoup d’effets sur les parts d’audience et sur le trafic sur internet: Les libéraux moquent les conservateurs et les Conservateurs se défendent d’être ridicules et de ne pas reconnaître la réalité de cette « guerre de noël ».

Une polémique qui a tourné en rond jusqu’à la fin des années 2000, quand les médias et le public ont commencé à s’en lasser, que Barack Obama est arrivé au pouvoir et a donné aux Conservateurs des soucis bien plus importants que cette guerre des symboles.

 

Mais rebelote l’année dernière quand Starbucks, la compagnie libérale de Seattle, cauchemar progressiste des Républicains, aurait relancé la guerre de noël en décidant de changer le motif de ses gobelets en papier « spécial fêtes ».

Gobelets de noël 2016 chez Starbucks

En 2015, le géant du café à emporter a décidé de remplacer les thèmes de noël sur fond rouge qui animaient les fins d’années depuis 1997 par un simple fond rouge avec l’emblème de la sirène.
Une décision qui a provoqué un tollé dans l’ensemble du pays, que certains ont vu comme un nouvel assaut contre la magie de noël, et une polémique à laquelle le président-élu ne pouvait se retenir de participer en appelant au boycott de la compagnie.

Impossible de savoir quelles ont été les retombées économiques de cette controverse mais cette année, Starbucks est revenu à des motifs traditionnels, treize différents qui ont été réalisés par des clients et amateurs de café.

Les très controversées gobelets de noël – version 2015

 

Bill O’Reilly: « On a gagné la guerre de noël »

Cette année, Jon Stewart n’est plus là pour « jouer l’ennemi » de O’Reilly et ce dernier a déclaré cette semaine, toujours sur Fox News, que « La guerre de noël avait été remportée par ‘les bons’ mais qu’il restait tout de même des insurgés »: la plupart des compagnies qui ont fait preuve de « non sens » dans le passé, dont Starbucks et Lowe, sont finalement rentrées dans le rang.

Il était satisfait de voir que Donald Trump « est lui aussi sur le coup ».
Lors d’un meeting de la tournée « USA Thank you Tour » dans le Michigan la semaine dernière, le président a promis à des supporters très enthousiastes qu’on allait « recommencer à dire joyeux noël ».
Il a prévenu que « ces magasins qui ont des cloches, des murs rouges, de la neige mais pas d’insignes ‘joyeux noël’ allaient s’y remettre rapidement » avant que O’Reilly rajoute avec humour, « ou ils seront déportés ». On a du mal à rire.

Noël reste le jour férié  (« federal holiday ») le plus suivi aux Etats-Unis puisque 90% des Américains le fêtent et y compris 80% des non religieux. La moitié de la population considère toujours cette fête comme religieuse tandis qu’un tiers seulement la voit comme une fête culturelle.

Il n’y a jamais vraiment eu de « guerre de noël » mais plus une paranoïa des Conservateurs et religieux du pays contre une société de plus en plus laïque et multiculturelle – Sauf peut-être pour cet écureuil de Seattle qui a volé toutes les lampes d’un sapin de noël, 150 au total, en espace de 24 heures, et d’autres rôdeurs ont attaqué les illuminations d’un des grands sapins de la ville de Boston – et la ville de Toronto est également victime des assauts répétés d’écureuils sur les décorations. 

 

Published in Analyse Culture Société