Le New York Times, fervent défenseur du port du burkini nous expliquait ce weekend « la révolution » qu’est en train de vivre « la mode islamique » en Turquie alors que la république subit depuis plusieurs années une oppression politique, sociale et religieuse croissante, notamment à l’égard des femmes.
Le reporter, Tim Arango, suivait dans la capitale turque, la « Istanbul Modest Fashion Week » dans une station de métro de l’ère ottomane, qui remettait au goût du jour la mode islamique, interdite sous l’autorité de Mustapha Kemal, le père de la Turquie moderne et laïque dans années 1920.
Ce n’est pas la mode islamique de Riyad ou de Kaboul, ni même la robe sombre et lugubre stéréotypée de l’Occident.
La mode islamique est ici un projet plein de couleurs, créatif et joyeux. (…) Alors que l’Europe se bat contre le burkini – un maillot de bain intégral que certaines plages françaises ont essayé d’interdire comme un symbole d’oppression de la femme – la robe islamique en Turquie est devenu un symbole de liberté religieuse contre les restrictions de la laïcité.
Istanbul veut devenir la capitale de la mode islamique, une ambition qui reflète l’importance des changements imposés par le gouvernement islamiste du président Erdogan sur la société turque.
Sous le système séculaire très strict de la Turquie, le voile ou Hijab était un symbole de retour en arrière et interdit dans les écoles et offices publics. Ces dernières semaines, alors que la France s’enlisait dans le débat sur le burkini, la Turquie s’est délestée des vieux tabous en autorisant des femmes policiers, à porter le voile pour la première fois.
Le voile, grâce au gouvernement islamiste, n’est plus un objet de dérision, et a engendré une révolution dans la mode islamique, avec le concours de maisons de mode, magazines, bloggers et stars d’Instagram. Des femmes importantes telles que la femme d’Erdogan, Emine, ou celle de l’ancien émir du Qatar, Sheikha Mozah, sont devenues des icônes mode pour de jeunes conservatrices.
Les réactions étaient assez contradictoires sur l’idée « d’une émancipation esthétique de la femme musulmane » à l’instar de cette femme turque qui a réagit sur la page Facebook du New York Times:
« En tant que femme turque vivant en Turquie, je peux vous dire qu’il n’y a rien d’esthétique ou de romantique à ce propos. Et il n’y a absolument aucun moyen de parler librement de cela. Ce n’est pas une révolution. C’est même pire que les [robes islamiques] classiques noires, parce que cela rend la couverture de soi encore plus acceptable à plus de femmes, qui devient au bout du compte un choix »
Des propos confirmés par une autre femme turque qui explique que cette nouvelle tendance vise « à normaliser le voile pour les femmes turques, de sorte que celles qui ne le portent se sentent marginalisées et coupables ».
Mais ce qui choque dans cet article, c’est l’absence de toute considération de la situation politique, sociale et religieuse dans laquelle le président Erdogan a plongé le pays depuis plusieurs années maintenant.
Tous les médias occidentaux s’accordent à dire que Erdogan cherche à mettre en place des reformes islamiques drastiques, qui touchent notamment aux droits des femmes turques.
Quand un journaliste célèbre l’émancipation de la femme en citant l’épouse d’Ergdogan, on est en droit de se poser des questions, comme cette autre internaute:
« Personnellement, je n’ai aucun problème si les femmes choisissent de porter le voile ou non, mais le climat politique de la Turquie n’a rien à voir avec la liberté. Trop de voix progressives sont réduites au silence, et tous les signes de conformité, comme le voile, sont encouragés.
Les femmes policiers peuvent porter le voile si elles le veulent, tout comme d’autres fonctionnaires, si je ne craignais pas que ce soit bientôt imposé. Quand je vivais en Turquie, je me demandais pourquoi une telle rigueur vis-à-vis du voile dans les offices publics, et ce à quoi on me répondait qu’ils ne voulaient pas devenir comme l’Iran. Et bien, de dehors, c’est exactement ce qu’il semble arriver »