Skip to content →

Washington Post: « The White Flag of Dereck Black »

Etoile montante du mouvement « nationaliste blanc » dans lequel il baigne depuis l’enfance, Derek Black n’aurait jamais pensé que l’université, les études et ses amis étudiants le pousseraient un jour à la rédemption.

« La lutte pour le retour à une Amérique blanche commence maintenant »
Après l’élection d’Obama en 2008, c’est le genre de slogan que l’on pouvait entendre dans les groupes racistes et extrémistes des Etats-Unis, notamment à un meeting de Memphis, qui réunissait les plus importants personnalités racistes du pays pour prévoir la stratégie des quatre années à venir.
Parmi les orateurs, un jeune étudiant de 19ans, Derek Black

Derek Black à 9ans en 1998 lors d'un white nationalist Council of Conservative Citizens
Derek Black à 9ans en 1998 lors d’un white nationalist Council of Conservative Citizens

Derek Black est le pur produit de la mouvance raciste aux Etats-Unis puisque son père, Don Black, est le fondateur du plus important site internet dédié au nationalisme blanc, Stormfront, et son parrain, David Duke, un ancien responsable national du Ku Klux Klan
A l’époque, il est une célébrité, « la lumière qui guide le mouvement »: il possède sa propre émission de radio, a créé un site internet raciste pour les enfants.

Bien avant le lancement de la campagne présidentielle de Trump basée sur les rhétoriques de race et de division, un groupe auto-proclamé de nationalistes blancs travaillait à rendre son avènement possible en poussant son idéologie des franges radicales vers l’extrême droite conservatrice.
Beaucoup des participants de Memphis sont passés de membres du Ku Klux Klan aux « suprémacistes blancs »
 et « racialistes » et Derek Black représente une nouvelle étape de cette évolution.
Il n’a jamais proféré d’injures racistes, ni n’a défendu l’usage de la violence et la violation de la loi. Il a gagné un siège de Républicain dans le comté de Palm Beach, où Trump possède une maison, sans jamais mentionner le nationalisme blanc et en discutant plutôt des ravages du politiquement correct, de l’affirmative action ou de l’immigration hispanique.

Huit ans plus tard, c’est presque une victoire pour les militants de « nationalisme blanc » qui voient leurs slogans récupérés par le candidat républicain et certains de leur membres vilipendés par Hillary Clinton comme le signe d’un retour des discours de haine aux Etats-Unis.

David Duke et Don Black dans les années 80, respectivement parrain et père de Derek Black
David Duke et Don Black dans les années 80, respectivement parrain et père de Derek Black

Derek aurait dû en être le leader comme il l’avait prouvé à son père lorsqu’il était allé chercher dans l’histoire et dans la science plutôt que la peur ou la colère les arguments pour soutenir ses thèses extrémistes.

Il est parti continuer ses études au New College of Florida, l’une des universités les plus libérales de l’état, « le lit du multiculturalisme » mais pas d’inquiétudes car « si quelqu’un devait être influencé [là-bas], ce serait eux (…) et bientôt la faculté toute entière et son corps étudiant »

Elevé en dehors du système scolaire, Derek est rentré en contact un monde nouveau avec qui il a préféré laisser de côté ses convictions et les dissimuler avant d’être rattrapé par son passé et mis à l’écart par les étudiants, même ceux avec qui il s’était lié d’amitié.

Mais plutôt que de l’isoler et de le laisser s’enfoncer dans son idéologie raciste, ses camarades d’université ont décidé de relever le défi de l’intégrer davantage à la vie étudiante: « On a de la chance d’être de vrais activistes et d’influencer l’un des leaders du mouvement de la suprématie blanche aux Etats-Unis. C’est pas exagéré et ce serait une victoire pour les droits civiques » pouvait-on lire sur le forum partagé par l’ensemble des élèves de l’université à son propos

Derek a été invité à un repas du Chabbat par un de ses anciens colocataires et a continué à y participer chaque semaine. Il s’est ouvert peu à peu sur sa croyance dans l’idéologie « nationaliste blanche », différente du nazisme, du KKK, qui lutte contre « l’immigration massive et l’intégration forcée ».

Au fur et à mesure des lectures que lui ont conseillé ses amis de confessions et nationalités diverses, le jeune Derek a commencé à douter de l’idéologie qui lui a été inculquée dès son plus jeune âge.

Un soir de juillet 2013, il a envoyé une lettre à l’une des associations de prévention contre le racisme, qui le suivait depuis longtemps, en leur demandant de publier sa « désaffiliation officielle » de la mouvance raciste à laquelle il appartenait.

Ses parents ont d’abord cru à un piratage informatique, et après que Derek leur ait dit la vérité, ils ont refusé de lui adresser la parole. Son père a même un temps pensé au « syndrome de Stockholm » pour expliquer l’influence qu’aurait eu l’entourage étudiant sur le revirement de son fils avant de « décider qu’il croyait vraiment à ces conneries ».

 

Depuis, Derek essaye de prendre ses distances avec son passé. Il est resté vivre de l’autre côté du pays après avoir terminé son master, a commencé à apprendre l’arabe pour étudier l’histoire de l’Islam,. Il n’est rentré en contact avec aucun des membres du « nationalisme blanc » depuis sa défection, si ce n’est des coups de fils à ses parents (…)
Mais la campagne électorale de 2016 a commencé et soudain les théories du « nationalisme blanc » que Derek a essayé de désapprendre sont apparues en filigrane du débat national sur les réfugiés, l’immigration, Black Lives Matter et l’élection elle-même (…) C’était le moment tant espéré par Derek qui le rendait désormais inquiets pour son pays et responsable.
Ca fait peur de se rendre compte que j’ai aidé à répandre ces choses, et maintenant c’est bien là a-t-il expliqué récemment à l’un de ses amis du Chabbat.

Published in A lire dans la Presse