Malgré la politique anti-immigration de Donald Trump, les maires des villes-sanctuaires américaines continueront à protéger leurs populations immigrées et sans-papiers. Des centaines de restaurateurs se sont également engagés à défendre leurs employés contre les menaces de déportation qui pourrait déstabiliser le marché de la restauration.
La résistance s’organise.
Le décret-loi contre les villes sanctuaires
Trente-neuf villes, 364 comtés et quatre Etats (Californie, Rhode Island, Vermont et Connecticut) aux Etats-Unis protègent leurs habitants contre les lois fédérales sur l’immigration qui ne sont pas appliqués par les agents municipaux et forces de l’ordre locales – à moins d’un crime « sérieux ». Ces villes, parmi les plus importantes du pays (New York, Los Angeles, Washington D.C., Chicago, San Francisco, Houston, Detroit, Miami) ont toutes réaffirmé leur engagement auprès de leurs habitants au lendemain de la victoire de Donald Trump.
Elles sont aujourd’hui dans la ligne de mire du président qui les accusent publiquement, en conférence de presse et interviews, de défendre des criminels aux dépens de la sécurité du peuple américain. Il seraient onze millions de migrants sans-papiers aux Etats-Unis aujourd’hui, dont trois millions, que le président voudrait expulser dans plus brefs délais.
Le décret présidentiel signé mercredi par Donald Trump impose aux agences locales et de l’Etat de servir désormais d’agents de l’immigration, prévoit une suppression des subventions fédérales aux villes-sanctuaires qui refuseraient de soumettre leur migrants sans-papiers à la déportation et donne à John Kelly, le Secrétaire à la Sécurité Intérieure, le pouvoir de les désigner comme des « juridictions-sanctuaires ».
Il est allé jusqu’à demander au Département de « Homeland Security » de publier une liste hebdomadaire de tous les crimes commis par les « aliens »
Comme le résumait hier le journal gratuit Metro News NY, ces villes se retrouvent au pied du mur et doivent choisir entre « Defund or Deport ».
Les juridictions sanctuaires à travers le pays violent volontairement la loi fédérale pour empêcher les étrangers d’être déportés des Etats-Unis (…) Ces juridictions ont causé énormément de mal au peuple américain et à notre République.
Les maires contre-attaquent et défendent leur position
Certains maires de ces villes-sanctuaires ont dénoncé les propos mensongers du président, à l’instar du maire de Los Angeles, Eric Garcetti,
L’idée que nous ne coopérons pas avec le gouvernement fédéral ne corresond pas à la réalité. Nous coopérons régulièrement avec les autorités migratoires – surtout dans les affaires qui impliquent des crimes sérieux (…) Ce que nous ne faisons pas, c’est demander à nos policiers locaux d’appliquer les lois fédérales sur l’immigration – une pratique officielle du Los Angeles Police Department (LAPD) depuis quarante ans. Et c’est pour le bien de tous car la confiance qu’il existe entre la police et les habitants est essentielle à l’efficacité des forces de l’ordre.
La plupart se sont engagés à perdre leurs subventions plutôt que de céder aux pressions de Donald Trump.
Le maire de Boston, Martin J. Walsh, a promis d’utiliser tout son pouvoir pour protéger ses résidents, a offert son office comme refuge en dernier recours et a reçu le soutien de son rival aux élections municipales qui auront lieu cette année. De Blasio, le maire de New York a promis de « défendre tous les habitants quels que soient leur origine et leur statut aux yeux de l’immigration. »
Le maire de San Francisco, Ed Lee et celui de Okland, Mr Liccardo, ont affirmé dans une déclaration commune que « la Bay Area restera solidaire de ses valeurs d’intégration, de compassion et d’égalité et unie contre les efforts visant à diviser nos résidents, nos cités, et notre pays.
Les lois du gouvernement fédéral ne peuvent de priver un Etat ou une ville de toute subvention pour l’obliger à adopter sa politique selon le dixième Amendement qui stipule clairement une séparation des pouvoirs entre Washington, les Etats et les villes.
Les risques pour le marché de la restauration
Les plus opposés à ces mesures anti-immigration sont les restaurateurs indépendants, des propriétaires de petits commerces qui sont eux mêmes arrivés illégalement sur le territoire ou qui ont embauché des employés immigrés sans papiers.
Une association de défense du personnel de la restauration (Roc United) a créé en décembre dernier le mouvement des « restaurants-sanctuaires » rejoint par une association de défense des immigrés (Presente.org) et des centaines de restaurateurs qui se sont engagés, entre autres, à « interdire le harcèlement d’individus basé sur son statut d’immigré/réfugié, sa race, son genre, ou son orientation sexuelle au sein de leurs restaurants ».
Une lettre ouverte à Donald Trump, affichée sur le site restaurantraise.org, depuis le 30 novembre dernier demande au président de protéger leur secteur, l’un des plus dynamiques du pays, qui repose sur le travail de douze millions d’employés dont 25% seraient des travailleurs immigrés « undocumented ».
Nous devons protéger chacun de nos employés et nous dépendons beaucoup, surtout dans les zones métropolitaines, de travailleurs immigrés. Beaucoup vivent dans ce pays depuis des décennies, payent leurs impôts et participent à notre industrie; certains ont même acquis leur propres restaurants et offrent des emplois. L’industrie de la restauration doit maintenir un certain nombre de travailleurs, parmi lesquels des immigrés et des non-immigrés, et des gens de toutes races, religions, genres et orientations sexuelles.
Eater rapporte les chiffres d’une enquête de Pew Analysis daté de 2008: 20% des 2,6 millions et 28% des 360 000 plongeurs seraient des travailleurs « sans-papiers » et leur déportation pourrait plonger le marché de la restauration, déjà touché par un manque d’effectif, dans la crise.